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composait de « chevaliers » qui devaient être nobles et de « sergents », titre conféré aux riches bourgeois qui, en entrant dans l’ordre, lui faisaient abandon total ou partiel de leurs biens. Après l’évacuation de la Terre-sainte et la prise de St-Jean d’Acre, les Templiers s’étaient retirés d’abord à Chypre puis à Paris. Leur fortune était déjà immense. Ils se vouèrent à l’industrie bancaire qui naissait à peine. Jusque là, le crédit n’avait existé que consenti à des taux formidables par les usuriers juifs. L’usure fut une des plaies du moyen-âge. Nous avons peine à en réaliser le caractère universel. Peu de pays y échappaient. De temps à autre, une initiative gouvernementale répondant aux rancunes accumulées de l’opinion, s’exerçait contre les Juifs. Ils étaient expulsés et leur avoir confisqué mais le mal se déplaçait avec eux et n’était pas déraciné pour cela. L’entreprise des Templiers n’avait donc rien de mauvais en soi mais l’institution des comptes-courants et des dépôts portant intérêt, les facilités fournies à la circulation et à la productivité de l’argent n’apparurent que comme des moyens frauduleux de drainer la richesse dans leurs caisses. « Avides et insolents », ils s’entouraient de mystère et se couvraient du manteau de la religion. Par leur attitude ils exaspéraient la foule. Leurs dirigeants en France furent arrêtés au nombre de cent quarante. Le procès fut inique, conduit avec sauvagerie et sans aucun respect des droits de la défense. Le « grand maître » et un certain nombre de chevaliers furent condamnés au feu et brûlés mais le gouvernement royal voulait davantage. Il obligea le pape à prononcer la suppression de l’ordre dont les trésors furent aussitôt confisqués.

Les historiens se sont souvent arrêtés surpris devant cette sombre aventure comme devant la querelle qui, quelques années plus tôt avait abouti à ce dramatique attentat d’Anagni dont nous avons parlé ailleurs et à la suite duquel la papauté déchue avait émigré à Avignon. Quelque clarté qu’ait su projeter sur tant de sujets la critique moderne, elle est ici restée indécise. Que le gouvernement de Philippe IV ait été souvent à court de ressources à la différence de celui de Louis IX dont tous les budgets s’étaient soldés en excédents, il n’y a rien là d’étonnant. La diplomatie coûte cher et celle de Philippe se dépensa en efforts incessants. Négociations avec la Serbie, la Norvège et même les Mongols, ingérence dans les affaires de l’empire, lutte contre la papauté, intervention énergique en Flandre, réunion de congrès internationaux comme celui de Tarascon en 1291 pour régler la question de Sicile ou celui de Poitiers en 1307 pour