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la revanche celto-romaine : les capétiens

Après les quinze années du règne insignifiant de Philippe III fils de Louis IX (1270-1285) son petit-fils Philippe IV dit le bel monta sur le trône. Celui-là eut le temps d’accomplir de grandes choses (1285-1314) ; il en eut aussi l’occasion et la volonté. Ses actes — pour inutilement violents qu’ils aient été trop souvent — ne sont déconcertants que si l’on isole ce monarque et ses ministres de leurs prédécesseurs ; sans quoi il devient aisé d’y apercevoir l’aboutissement normal de toute la politique capétienne. En s’entourant obstinément de collaborateurs d’origine très modeste et en les choisissant principalement parmi les méridionaux, Philippe IV témoigna qu’il comprenait fort bien le sens des directives posées par la dynastie dont il descendait et qu’il entendait y demeurer fidèle.

Gouvernées avec sagesse et intelligence par Alphonse de Poitiers, frère de Louis IX, les provinces du sud-est avaient prospéré sous le règne de ce prince mais elles étaient loin d’avoir pu reconstituer toutes les richesses détruites par la guerre des Albigeois. La rancune laissée par ce tragique intermède ne s’était pas apaisée et maintenant que ces régions se trouvaient réunies à la couronne, elle s’exprimait plus librement. Le pape et les seigneurs ayant été les auteurs responsables de la catastrophe, c’étaient bien entendu contre les ingérences pontificales et contre les privilèges féodaux que se tournait l’animosité locale. Les légistes formés à Montpellier n’étaient pas seulement pénétrés de dévotion pour l’ancien droit romain qu’on enseignait maintenant dans tous les centres de culture mais ils puisaient dans cette étude un zèle singulier pour l’unification administrative du royaume, la laïcité absolue du pouvoir et même l’égalisation sociale. Au service de ces sentiments, leur esprit intransigeant et combatif eut vite fait d’amorcer de tous côtés des procès pour revendiquer tel droit de propriété ou faire casser telle décision antérieure. Par leurs soins la justice royale pénétra comme un levier dans tous les interstices que présentait l’état de choses féodal en voie de désagrégation.

De tous ces procès, le plus célèbre à coup sûr fut celui dit des Templiers. Les Templiers étaient un des ordres militaires fondés en Palestine au cours des croisades. Il datait de 1123 et avait eu pour mission d’escorter et de protéger les pèlerins. Il se