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choses » que s’élevaient des temples et des autels. Et cet état de choses était d’autant plus apprécié qu’il succédait à des siècles de guerres, de dévastations, de ruines et d’insécurité. Ainsi au milieu de tant de causes de faiblesse, malgré les institutions incertaines, malgré l’immoralité de la cité dominante, l’empire trouva en lui-même le secret de sa durée.

L’insignifiance du pouvoir central, son peu de portée s’affirment dans le fait que la série d’incapables ou de demi-aliénés qui de l’an 37 ap. J.-C., date de la mort de Tibère, à l’an 68 date de l’avènement de Vespasien, se succédèrent à la tête de l’empire aient pu occuper un pareil poste sans grandement nuire à la prospérité générale. Sur la fin de sa vie Auguste désigna Tibère pour son successeur. Il ne le fit que contraint et forcé. C’était incontestablement le plus digne mais il était impopulaire et le demeura toujours. Tibère (14-37) apparaît dans l’histoire comme une sorte de Marius aristocratique, rude et sévère, étroit d’idées mais droit, ayant probablement beaucoup plus souffert qu’on ne pense des persécutions qu’il avait subies. Devenu pour finir méfiant, sombre et cruel, malade sans doute, il se sentait desservi par les siens, par son confident, le misérable Séjan, préfet du Prétoire, surtout par le caractère hybride de l’autorité qu’il exerçait. Qu’était-elle ? On ne parvenait pas à lui assigner de règles. En fait ce furent des intrigues de famille appuyées par des intrigues de palais qui en décidèrent. Tibère avait désigné son neveu Caligula. Assassiné au bout de quatre ans, Caligula fut remplacé par son oncle Claude l’un des rares survivants de la parenté d’Auguste décimée par le sort. Claude régna treize ans (41-54). Il adopta son beau fils Néron qui en régna quatorze (54-68). La Rome de ce temps attire les regards de l’historien par les retentissants scandales qui s’y déroulèrent mais c’est ailleurs qu’il faut regarder. Les faits capitaux sont la montée des interventions militaires et celle des influences provinciales. C’étaient les soldats de la garde prétorienne qui avaient choisi Claude et consacré Néron, sans aucun souci du sénat. D’autre part Caligula témoigna aux provinciaux une évidente faveur. Claude créa une chancellerie impériale, véritable ministère, tout l’embryon de la bureaucratie prochaine et il y appela des affranchis des provinces, principalement d’orient. Enfin à la mort de Néron dont le règne inspiré par Sénèque avait bien commencé puis si vite dégénéré en orgie bestiale, les armées provinciales entrèrent en scène.

Il y en avait trois principales : l’armée du Rhin, l’armée