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et du peuple romain », se livrèrent aux pires exactions. La première des lois édictées pour mettre un frein à la cupidité de ces personnages remonte déjà à l’an 149. Par la suite on en édicta d’autres mais elles demeurèrent inefficaces. Un ploutocratisme sans scrupules et sans frein submergeait Rome et les territoires soumis à son pouvoir.

Sur quel frein aurait-on pu compter ? Il n’y avait plus de religion et il n’y avait jamais eu de culture. Ce dernier point est un de ceux que les historiens ont le plus généralement négligé. En louant la belle simplicité de la pédagogie romaine, ils oublient d’indiquer à quoi cette pédagogie se réduisait. En fait il n’existait pas d’écoles à Rome et l’on se contentait d’y faire apprendre aux jeunes hommes le copieux catalogue des dieux et déesses, certains textes de lois et quelques chants. Quant à l’histoire, il va de soi qu’elle se bornait à une énumération de batailles et qu’on ne s’avisait point d’enseigner le détail des conflits sociaux propre à affaiblir la discipline et à semer des germes d’insubordination. Tout au début quand les mœurs familiales étaient encore patriarcales et que même les fils des esclaves de la maison étaient parfois admis à s’instruire à côté des fils du maître, un pareil programme pouvait suffire à engendrer des vertus civiques mais son insuffisance à développer l’esprit ne pouvait manquer de se faire enfin sentir. On fut long à s’en rendre compte. Parlant des anciens Romains, Cicéron dit : « Ils n’ont certainement jamais désiré que l’État s’occupât de réglementer l’éducation et de l’organiser sur un modèle uniforme » et Cicéron ajoute ces mots faits pour surprendre : « Les Grecs y ont pris beaucoup de peine sans aucune nécessité. » De son temps cependant on commençait d’en juger autrement.

Vers l’an 270, un certain Livius Salinator avait confié au nommé Andronicos, grec de Tarente et esclave affranchi, le soin d’enseigner à ses fils la langue grecque, l’histoire et la philosophie. Andronicos était-il qualifié pour pareille besogne ? Il est permis d’en douter à en juger par l’abominable traduction de l’Odyssée que confectionna ce professeur improvisé afin de servir de livre de classe à ses élèves. Cette traduction, paraît-il, demeura longtemps en vogue. Ayant ainsi débuté, Andronicos introduisit à Rome, en le déformant moins cruellement, le théâtre grec auquel le peuple s’intéressa. Beaucoup plus tard, à l’occasion des victoires remportées sur les Carthaginois, il composa un hymne à Junon qu’une troupe de jeunes filles chanta et dansa