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s’éleva peu à peu au-dessus de lui-même. La conscience de sa dignité ne l’abandonnait pas dans l’adversité, ce qui a fait dire à Polybe que jamais les Romains n’étaient plus redoutables que sous la menace d’un grand péril. Le sénat, en plus d’une circonstance tragique, fut vraiment le redan du vouloir et de l’orgueil romains. Il eut souvent à montrer son courage car les débuts de la période dite républicaine furent difficiles et marqués des plus grands revers.

Tarquin avait laissé Rome non seulement pourvue de beaux et utiles monuments, mais possédant une armée de cent cinquante mille combattants. Il y laissait également des partisans. Au dehors les Étrusques, ses compatriotes, étaient naturellement portés à appuyer ses prétentions. La guerre éclata donc et se poursuivit longtemps en vue d’une restauration possible du dictateur déchu. La bataille du lac Régille en 496 mit fin aux entreprises des Tarquinistes ; mais les frontières avaient sensiblement reculé et il ne fallut pas moins de quatre-vingt-dix ans pour que la domination romaine put s’étendre à nouveau sur les territoires jadis soumis. Ce résultat ne fut atteint qu’en l’an 406 et la période qu’on peut appeler défensive ne fut close que dix ans plus tard, en 396, lorsque la ville de Véies, citadelle de la résistance aux ambitions romaines, fut enfin prise après un siège célèbre et interminable.

Jetons ici un regard sur l’armée du vainqueur et sur les particularités qui la différenciaient des autres armées contemporaines. C’était avant tout la « légion », cette véritable cité « en marche entre des murailles de fer » comme la qualifie un historien. Une légion au début comptait trois mille hommes ; Servius Tullius en porta le chiffre à quatre mille. Elle comprenait non seulement de l’infanterie (dix « cohortes » de fantassins) et de la cavalerie (dix « turmes » de trente cavaliers) mais encore tout ce qui était nécessaire pour camper ou soutenir un siège : machines d’assaut avec leurs servants, équipes de charpentiers, de forgerons, de charrons, de pionniers Ainsi chaque légion formait un tout parfaitement homogène et se suffisant à lui-même. Une discipline d’airain y régnait. Un chef put dire un jour en toute vérité que, de tous ses soldats, il n’y en avait pas un qui ne fut prêt sur son ordre à se jeter du haut d’une tour, la tête la première. L’entraînement était dur. Les hommes portaient tout leur bagage sur leur dos — soixante livres environ — et, ainsi chargés, on les exerçait à des marches régulières de plus de trente-cinq kilomètres qu’ils devaient arriver à fournir sans fatigue en cinq heures. Pour auto-