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seuls capables d’apporter quelque répit aux agitations de la pensée incertaine ? Mais en même temps, il fallait se diriger, en des temps difficiles, parmi des horizons soudainement agrandis. Jamais encore l’homme n’avait eu à sa portée tant de jouissances variées et jamais, par là, sa force morale et même physique n’avait couru autant de dangers. La déchéance des mœurs et des caractères se précipitait ; la passion du gain déchaînait tous les appétits ; on contractait l’habitude du luxe amollissant, des spectacles surexcitants, d’une existence toute extérieure et frivole. Deux courants : ceux qui voulaient réagir ; les autres, plus nombreux, qui se laissaient aller. À cette alternative répondaient les écoles philosophiques fondées précédemment par Épicure (340-270) à Athènes et par Zénon de Chypre (360-257). Épicure à vrai dire, était un sage qui ne conseilla nullement de s’abandonner à ses instincts. Il croyait en la science émancipatrice. « La connaissance disait-il, sauve l’homme de la crainte des dieux ». Il estimait que bien équilibrer toutes choses est le secret du bonheur. Mais après lui, sa doctrine dévia vers la recherche de la volupté continue. Ainsi présentée, elle répondait aux secrètes aspirations de tous les méditerranéens qui de Rome à Athènes, de Marseille à Cyrène, d’Alexandrie à Pergame tombaient peu à peu dans l’esclavage passionnel. Zénon, lui, avait indiqué l’effort comme le levier moral qui au service de la volonté, permet d’organiser la résistance. De là était sorti le stoïcisme, sorte de raidissement successif ou simultané des sens. Le tempérament énergique des vieux Romains s’y complut, en réaction contre les idées épicuriennes qu’ils confondaient avec l’hellénisme ; mais leur stoïcisme aussi était hellène.

En vérité dans ce monde méditerranéen d’où la Grèce allait s’éclipser pour plusieurs siècles, tout était hellène, car le génie grec avait touché à tout et inventé ou façonné toutes choses. Dans tous les domaines, le sidéral et l’agricole, le gouvernemental et le pédagogique, le médical et l’artistique, le littéraire et le juridique c’étaient des Hellènes qui avaient perfectionné, innové, dirigé Pythagore estimait que la figure de la sphère est la plus parfaite. On peut dire que l’hellénisme avait progressé sphériquement, comme en ondes concentriques, à la fois vers la totalité des horizons — et toujours avec les mêmes rythmes combinés d’élan et de mesure, de savoir et d’intuition.