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l’hellénisme

l’œuvre au point où Solon l’avait laissée, la porter d’un seul coup presque au terme ». Ainsi, en moins d’un siècle, le démocratisme athénien avait trouvé sa formule complète. Aristote, peu porté à louer la démocratie convient que les réformes de Clisthène donnèrent des résultats remarquables et Hérodote dit qu’elles augmentèrent la puissance d’Athènes. Cette ville était désormais placée en pleine lumière et devenait τῆς Ἑλλάδος παίδευσιν, « l’éducatrice de la Grèce » : parole que Thucydide attribue à Périclès. Mais le jeu même des institutions nouvelles avait pour conséquence la lutte des partis. À Athènes comme dans les cités qui s’inspirèrent de son exemple, deux grands partis se formèrent ; celui du peuple et celui des aristocrates, chacun avec ces chefs et son organisation : et une saine rivalité les opposa l’un à l’autre. Les descendants des anciens « eupatrides » n’étaient plus très nombreux mais il y avait une aristocratie d’argent qui avait hérité de leurs prétentions et qu’il était de l’intérêt de la république de ne point détruire ni décourager tout en l’empêchant de confisquer le pouvoir à son profit. Par malheur, les partis aristocratiques, là comme ailleurs, furent dangereusement tentés de s’appuyer sur la cité qui, au centre même de la Grèce, se dressait en plein contraste avec Athènes. Sparte jouissait alors d’un grand prestige militaire. Elle y avait atteint au moyen d’institutions basées sur l’oligarchisme le plus forcené dont l’histoire fasse mention. Tous les pouvoirs, tous les privilèges se trouvaient aux mains de ceux qu’on appelait les « égaux » : quelques centaines seulement, descendant des chefs doriens qui avaient occupé la Laconie au début et en avaient transformé les habitants en « Ilotes », c’est-à-dire en esclaves privés de tous droits. Ces Laconiens, répartis dans les bourgs et villages environnants, étant beaucoup plus nombreux que les Doriens inspiraient à ceux-ci de perpétuelles craintes. La même discipline brutale et sectaire qui faisait disparaître les rejetons chétifs de la race dominante pour lui conserver sa vigueur, conduisait au massacre périodique des représentants les meilleurs de la race vaincue lorsque celle-ci devenait trop prolifique. Défendue par les hautes montagnes qui l’encerclaient et lui fournissaient le fer nécessaire à ses industries guerrières, Sparte sacrifia tout à son armée. Elle confisqua l’enfant dès l’âge de sept ans, en fit la chose de l’État, lui durcit prodigieusement les muscles et le caractère, ne le munit ni d’instruction ni d’idéal, ne craignit point de lui enseigner au besoin que l’hypocrisie et le mensonge sont aussi des armes. La politique intérieure fut toute de méfiance et de