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À côté des prêtres qui présidaient aux cérémonies, les prophètes façonnaient de la sorte la mentalité hébraïque. Point de gouvernement au sens habituel du mot. David et Salomon tentèrent vainement au xme siècle av. J.-C. de fonder une royauté solide. Le premier fit de Jérusalem sa capitale. Le second y construisit le temple fameux d’où devait rayonner sur le monde la gloire de Jéhovah. Salomon fut une sorte de Pharaon hébreu : figure unique en laquelle Israël se mira mais dont la mission lui parut limitée à la construction du Temple. L’âge qui suivit fut rempli de déchirements intérieurs et d’« alternatives d’abaissement devant l’étranger et de relèvements éphémères ». C’est alors que Nabuchodonosor saccagea Jérusalem et emmena la population en captivité.

Vers le viiime siècle av. J.-C. le prophétisme s’orienta avec Isaïe dans une voie nouvelle. Dès avant David, il avait eu ses écoles où s’entretenait l’exaltation religieuse et où se préparaient au rôle d’agitateurs tous ceux que la conviction ou l’ambition dirigeaient de ce côté. J. de Crozals dit justement que ces écoles fournissaient aux différentes tribus « des orateurs populaires tantôt courtisans des pauvres auxquels ils prêchaient l’égalité des biens, tantôt fulminant comme des tribuns religieux contre les vices de tous ». Ces prédications engendrèrent une littérature dont la majesté et la profondeur d’émotion n’ont sans doute jamais été dépassées et qui s’encadra dans la grande poésie des descriptions et des épisodes bibliques comme un orage fulgurant au centre d’un grandiose paysage. Aux invectives souvent excessives des prophètes se mêla bientôt l’évocation d’un avenir de paix et de lumière. Ce fut le messianisme. La précision de certains détails y contrasta avec l’imprécision d’ensemble de la doctrine. Ce royaume évoqué, serait-il d’ici-bas ou d’au-delà ? Le messie attendu serait-il homme ou dieu, symbole ou réalité ? Le peuple hébreu dominerait-il matériellement ou serait-ce seulement la formule de sa foi qui régirait un jour l’univers ? L’élite ne cessa d’y réfléchir. La foule naturellement se tourna vers les interprétations littérales et tangibles. Tous s’enfermèrent dans l’immense espérance et avec un enthousiasme concentré qui aujourd’hui, après deux mille cinq cents ans, est loin d’avoir produit ses derniers effets.

Lorsque Jésus-Christ parut, les juifs (ainsi qu’on les appelait dès lors) ne le reconnurent point pour le messie. Ils jouissaient en ce temps d’une certaine autonomie sous la suzeraineté de Rome. Mais inquiets bientôt de la fermentation des esprits dont