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avec l’Afrique romaine, et Chypre qui leur assurait une base navale inappréciable, ils atteignirent le plus haut degré de richesse et de prospérité. Sous leur sceptre, assurément, l’Égypte fut de tous les pays le plus fortuné. Mais lorsque, comprimés sur mer par les flottes grecque, syrienne, romaine, et découragés du rôle extérieur qu’ils avaient voulu jouer, ils se retournèrent vers leurs sujets indigènes, ce fut avec le dessein de travailler à une heureuse fusion. Dans l’armée, il y avait eu d’abord séparation des éléments grecs et égyptiens ; au iime siècle, il y eût mélange fréquent et les privilèges réservés aux Grecs tendirent à disparaître. Un droit mixte gréco-égyptien fut établi. Jusqu’alors les lois grecques et les lois égyptiennes avaient été appliquées séparément. Une commission de théologiens fut assemblée dans l’espoir de rapprocher les deux religions et pour y mieux parvenir, le culte nouveau de Sérapis fut brusquement introduit et entouré de toutes les faveurs. La diffusion de la langue grecque facilitait les choses ; elle s’était répandue dans tout le pays[1]. Les circonstances semblaient donc favorables à un rapprochement qui ne s’était pas opéré spontanément, mais auquel rien de fondamental ne s’opposait car leurs tempéraments et leurs qualités sociales et intellectuelles devaient plutôt rapprocher les deux races. Mais le grand mystère ethnique intervint. Pourquoi s’exprime-t-il — et le plus souvent au rebours des données apparentes et des prévisions raisonnables — ici par une coopération facile et heureuse, là par la stérilité de la pensée ? La cité grecque, en Égypte, demeura inféconde. Elle ne conquit ni ne persuada. Bien plus ; on la vit perdre certains de ses caractères essentiels. Tandis que les souverains, Pharaons malgré eux, étaient entraînés à relever une à une les particularités de l’antique monarchie (jusqu’à ce mariage consanguin qui datait du temps où les Pharaons étaient considérés comme d’essence divine mais devait constituer pour des descendants d’Aryas un véritable opprobre), la population transplantée se laissait prendre peu à peu par le réseau des idées et des coutumes égyptiennes. Les gymnases furent désertés, les droits politiques cessèrent d’être exercés, la pratique de l’association, si symptomatique des groupements hellènes en terre étrangère s’affaiblit et se dissipa. Alexandrie, la métropole riche et puissante ouvrant en plein sur la Méditerranée, eut une administration dont nous ignorons bien des détails mais dont l’aspect complexe et tourmenté ne rappelle guère le clair fonctionnement du civisme hellénique. Quant à l’art

  1. Dès le début de l’ère chrétienne, les hiéroglyphes cessèrent d’être compris en Égypte. Le copte est de l’égyptien écrit en lettres grecques.