Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome II, 1926.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
l’égypte

contrôlés par l’assemblée du peuple, le gymnase et l’éphébie. Aussi Amasis qui, plus encore que ses prédécesseurs, s’appuya sur eux et leur marqua sa sympathie les installa-t-il dans une ville à eux, Naucratis, où ils furent libres de s’organiser à leur gré. Naucratis, tout de suite prospère, conserva probablement la plupart de ses privilèges sous la domination de Darius. Quand les Égyptiens en 405 réussirent à rejeter les garnisons perses, quand de 379 à 342 ils bataillèrent contre une nouvelle offensive de ceux-ci, c’est encore avec l’aide des mercenaires hellènes qu’ils conduisirent la lutte. Alexandre en arrivant en Égypte y fonda aussitôt une nouvelle ville grecque, Alexandrie, dont les Ptolémées allaient faire leur capitale. Eux-mêmes en créèrent une troisième, Ptolemaïs, qui végéta et ne prit jamais d’essor. Ainsi il y eut dans ce delta trois villes grecques données en quelque sorte en exemple aux Égyptiens et aptes à leur faciliter une transformation dans le sens hellénique. Cette transformation ne se produisit pas. Jusque là on pouvait penser que les Égyptiens ignoraient les Grecs comme ils ignoraient en général les peuples étrangers. Il est très intéressant de rapprocher à cet égard les deux faits suivants. Eschyle dans une de ses pièces avait exposé le « mécanisme » du Nil et la raison naturelle de ses crues périodiques. Lorsque plus tard Hérodote visita l’Égypte (448 av. J.-C. environ), il constata avec quelle pitié dédaigneuse les habitants de ce pays apprenaient de lui que « la Grèce est arrosée par des pluies et non par des inondations des rivières ». Il faut en conclure que les Égyptiens s’imaginaient tous les fleuves plus ou moins semblables au leur. S’ils avaient connu son caractère unique, en le voyant tous les ans presque à jour fixe enfler ses ondes successivement vertes, rouges et bleues et en couvrir les terres desséchées pour les rendre, six mois durant, merveilleusement fécondes, ils auraient vécu en extase devant ce miracle annuel et n’auraient point adoré d’autre dieu que le Nil lui-même. Pour en revenir aux relations des deux pays, il appert donc que si les Grecs étaient relativement au courant de ce qui concernait l’Égypte, celle-ci ne savait rien de la Grèce. Mais maintenant c’est l’hellénisme qui venait au devant d’elle et qui installait ses avant-postes sur son sol. Il fallait bien se connaître sinon se comprendre. Une pénétration forcée s’opéra peu à peu, du moins au nord du pays. Les premiers Ptolémées surnommés Soter (323-285), Philadelphe (285-247), Évergète semblent avoir compté sur une hellénisation rapide et s’être surtout préoccupés de faire figure de monarques méditerranéens. Ayant annexé Cyrène qui les mettait en communication par terre