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la Lombardie, Modène, Parme, Bologne, Plaisance. Mais la première donation avait suffi à déterminer le déclin. Dès la fin du ixme siècle, la papauté ayant des intérêts matériels à sauvegarder et des frontières à défendre était devenue prisonnière à l’extérieur de l’empire barbare qu’elle avait créé en couronnant Charlemagne et, à l’intérieur, des partis politiques qui n’avaient pas tardé à se former dans ses États. Le peuple et l’aristocratie, les cléricaux et les anticléricaux se livraient à Rome une lutte incessante. Rome devenait une sorte de théocratie dominée par des prêtres et des femmes. Des scandales sans nom s’y succédèrent. On vit des courtisanes disposer de la tiare. Le désordre ne fut arrêté que par l’intervention des césars germaniques après qu’Othon Ier eût en 962, refait à son profit l’empire de Charlemagne. Leurs choix ne furent pas toujours mauvais ; le célèbre français Gerbert devenu pape sous le nom de Silvestre II (999-1003) en témoigne mais il était chaque jour plus évident que, pour avoir prétendu assurer l’indépendance du Saint Siège en face de chefs barbares promptement disparus, on lui avait forgé des chaînes autrement durables et par lesquelles sa liberté d’action spirituelle risquait d’être définitivement entravée.

Alors parut Grégoire VII. C’était un moine de l’abbaye de Cluny en Bourgogne, un homme remarquable par son énergie et son intelligence mais qui n’avait point la pondération de son illustre homonyme. Appelé à Rome par le pape Léon IX (1049) Hildebrand fut le secrétaire d’État de quatre pontifes successifs. En 1073 il fut élu lui-même et prit le nom de Grégoire VII. Ainsi de 1049 à 1084 il gouverna l’Église. Son but était de la purifier d’une part, de l’émanciper du joug impérial de l’autre. Il y apporta une audace incroyable. Un concile assemblé à Rome par ses soins décida que le pape serait désormais élu par le collège des cardinaux qui devenait ainsi le sénat de la nouvelle Rome (1059). Le peuple ne conservait plus qu’un vague droit d’acquiescement et l’empereur celui, tout aussi illusoire, de « confirmer » l’élection. En 1073 un autre concile interdit le mariage des prêtres. La révolte fut générale surtout en Allemagne. Car un grand nombre de prêtres étaient mariés ou vivaient en union libre. Le célibat n’existait en somme que dans les monastères et précisément les moines d’alors étaient principalement des laïques. Pour comprendre l’état des choses dans l’Église, il ne faut pas perdre de vue ces points essentiels. Grégoire VII ayant déchaîné des orages de tous côtés y fit tête sans défaillance et tel était le prestige de son caractère et aussi de sa vertu qu’il eût gain de cause. L’empereur allemand Henri IV