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les patriarcats de Rome, Alexandrie et Antioche. Il y eut aussi ceux de Byzance et de Jérusalem. Ainsi l’Église chrétienne évoluait de la démocratie à l’oligarchie ; elle allait passer de là à la monarchie.

En ce temps la priorité romaine réclamée par les intéressés se trouvait encore très contestée. Dans une lettre à l’évêque Cyprien, son collègue Firmilien dit : « Je suis indigné de la folle arrogance de l’évêque de Rome qui prétend avoir hérité son siège de l’apôtre Pierre » et Tertullien, de son côté tourne en ridicule de pareilles prétentions. Elles étaient viables pourtant, sinon fondées. Rome sanctifiée par la présence des apôtres Pierre et Paul et leur martyre (dont la réalité souvent niée paraît de moins en moins douteuse) avait surtout un double avantage sur les autres métropoles. Elle était seule à l’occident tandis que les quatre autres trop rapprochées les unes des autres se disputaient l’orient. La « zone de conversion » de Rome, pour ainsi parler, se trouvait ainsi être bien plus vaste que celles dont pouvaient disposer ses rivales ; bien plus facile aussi à conquérir et à maintenir : Ibères, Celtes et Germains la peuplaient sans parler des Berbères d’Afrique. Or ces peuples occidentaux étaient des païens d’ordre simpliste n’ayant pas derrière eux le passé de raffinement mythologique et philosophique qu’avaient les Égyptiens, les Grecs ou les Perses. L’hérésie d’Arius — et justement à cause de sa simplicité — devait de longtemps être la seule source de sérieuses difficultés dogmatiques rencontrées par les pontifes romains dans leur œuvre d’évangélisation de ce côté de l’Europe. Ceux-ci d’autre part bénéficiaient du prestige immense dont s’auréolait le nom de Rome. Dans toutes les villes, à mesure que les pouvoirs publics s’y décomposaient, c’était l’évêque qui, de fait, prenait leur place. Qu’on lui donnât ou non le titre de « défenseur de la cité » il en exerçait les fonctions, servant d’arbitre dans les conflits et intervenant auprès des envahisseurs pour les incliner à la pitié. Lorsque la puissance impériale se fut retirée de Rome n’y laissant pour la représenter qu’un préfet placé en face de l’évêque, il était infaillible que ce dernier prit peu à peu le pas sur le délégué d’un pouvoir agité et lointain.

Et pourtant cela ne se fit qu’à la longue tant était grande la force d’attraction historique de ce pouvoir. L’évolution s’opéra entre le pontificat de Léon Ier (440-462) et celui de Grégoire le Grand (590-604). On a pu dire de Léon Ier qu’il fut « le véritable fondateur de la monarchie pontificale. » Il lui donna en effet des principes et des cadres, une organisation et des traditions administratives mais celui qui assura vraiment son avenir fut