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d’Allemagne Frédéric Barberousse, Philippe Auguste roi de France et Richard « cœur de lion » roi d’Angleterre partirent pour la Terre sainte. Les Allemands arrivés les premiers par voie de terre (1190) s’emparèrent d’Iconium au passage mais l’empereur s’étant noyé par accident dans le Cydnus, ses troupes désorientées revinrent sur leurs pas. Les souverains français et anglais qui se jalousaient vinrent par mer et s’emparèrent de Saint Jean d’Acre (1191). Leurs dissentiments s’aigrirent. Philippe Auguste rentra chez lui. Richard demeura et fit un retour romantique dont les aventures tournèrent en légende.

La « quatrième croisade » fut provoquée par le pape Innocent III en 1202. Ce fut celle que Venise détourna à son profit et qui jeta bas pour un demi siècle l’empire byzantin au bénéfice des croisés chez lesquels les appétits terrestres prenaient décidément de plus en plus le pas sur le souci des biens éternels. En 1217, une expédition mise sur pied par le roi de Hongrie, André II, n’aboutit pas[1]. Dix ans plus tard, l’empereur d’Allemagne Frédéric II s’en vint en Palestine près du roi titulaire de Jérusalem qui régnait alors à Saint Jean d’Acre et dont il avait épousé la fille. L’empereur auquel son beau père céda ses droits sur la ville sainte en négocia le rachat et l’obtint. Il y établit un état de choses assez sage (1229) mais qu’on ne sut pas faire durer. Les musulmans y rentrèrent en 1244.

Ce ne sont pas là des « croisades ». À peine faut il donner ce nom aux expéditions de Louis IX, roi de France, en Égypte et en Tunisie (1248 et 1268), expéditions dont nous aurons à parler comme relevant de la politique française. Est-ce à dire qu’en restreignant ainsi à une période de quelques quarante années le mouvement dit des « croisades », il faille également en restreindre l’importance et les résultats ? Bien au contraire. Ces résultats furent immenses mais ainsi qu’il est arrivé si souvent dans l’histoire, ils furent exactement inverses de ce qu’en attendaient les initiateurs. La papauté n’en sortit point grandie et le sentiment religieux en

  1. En 1212 eut lieu l’étrange épisode connu sous le nom de « croisade des enfants » ; à l’appel d’un jeune berger de Vendôme qui prétendait avoir des visions, des milliers d’enfants se groupèrent. Philippe Auguste leur ayant enjoint de retourner chez leurs parents, beaucoup obéirent mais beaucoup aussi persistèrent. Arrivés à Marseille entourés de prêtres, de femmes, de marchands, ils furent embarqués sur sept vaisseaux dont deux firent naufrage sur les côtes de Sardaigne. Les petits passagers conduits à Bougie et à Alexandrie y furent vendus comme esclaves. En 1229 Frédéric II ayant trouvé en Orient les armateurs marseillais coupables les fit prendre et délivra nombre de victimes de cette aventure.