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byzance

Commène (1182-1185) fut promptement renversé. Autour d’eux la féodalité agissait comme un agent de dislocation. Lorsque l’énorme vague d’appétits matériels provoquée par les croisades déferla de l’occident sur l’orient, tout était mûr pour le morcellement.

L’hostilité de la papauté, les convoitises des aventuriers, les rancunes latines contre l’hellénisme aidèrent grandement les Vénitiens à exécuter le plan machiavélique qu’ils avaient conçu. La ivme croisade (1203) détournée par eux de son but et de sa route jeta contre Byzance toutes les forces assemblées pour délivrer la Terre sainte. Le 12 avril 1204 la ville prise d’assaut fut honteusement pillée et saccagée. Et selon le traité de partage préalablement signé, les vainqueurs s’attribuèrent les dépouilles. Venise occupa tous les points dont son commerce pouvait bénéficier : Durazzo, la Crète, l’Eubée, Gallipoli, Rodosto tandis que ses patriciens se créaient de belles seigneuries dans les îles de l’archipel. Un patriarche vénitien remplaça le patriarche grec en même temps qu’un croisé flamand, Baudouin devenait empereur entouré de vassaux tels que le roi de Salonique, le duc de Philippopoli, le duc d’Athènes, le prince de Morée, etc… toute une floraison d’États féodaux sans racines et sans raison d’être, mis aux mains de titulaires le plus souvent ignorants, avides et enorgueillis de leur facile victoire.

Les gouvernants et le haut clergé byzantin passèrent en Asie-mineure. Ils s’y trouvaient chez eux. L’Anatolie était demeurée très grecque de race et de langue. Elle le savait et s’en vantait. C’est de là que l’empire tirait ses meilleurs serviteurs civils et militaires. Les Commène en sortaient. Ils n’eurent point de peine à y grouper toutes les volontés pour préparer la revanche. Deux États naquirent. L’un dont Trébizonde fut la capitale s’étendit sur les côtes de la mer Noire jusqu’au Caucase. Il devait subsister pendant deux siècles et demi (1204-1461). L’autre constitué autour de Nicée grandit rapidement. Théodose Lascaris (1206-1222) et son gendre Jean Vatatsès (1222-1254) le rendirent prospère. Pendant ce temps les « Latins » comme on les appelait voyaient les difficultés se multiplier sous leurs pas. Et déjà Salonique leur avait été enlevé par un grec d’Europe. Tantôt en s’appuyant sur les Bulgares et tantôt sur le sultanat d’Iconium, mais surtout en utilisant les discordes de ses adversaires,