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croit que Dioclétien n’y était pas venu avant le jour où, sur la fin de son long règne, il lui prit fantaisie de monter triomphalement au capitole. Constantin ne songeait à rien de pareil. Il fut d’ailleurs reçu avec la plus grande froideur par le sénat et le peuple et il leur rendit dédain pour dédain. Entre la vieille capitale païenne et le premier prince protecteur du christianisme, la rupture s’affirma complète. Les conséquences en furent immédiates et radicales. Dès 327 commencèrent les travaux d’agrandissement de Byzance ; ils furent menés avec une hâte inouïe et le 11 mai 330, la nouvelle capitale, immense, monumentale fut solennellement consacrée sous le nom de Constantinople.

C’est à cette date que prend fin l’histoire romaine. Les cent cinquante années durant lesquelles les historiens la prolongent ne sont qu’une fiction. En fait, il n’existe plus dès lors que trois forces alternativement en accord ou en lutte : l’empire byzantin, l’église chrétienne, les royaumes barbares. Rome n’est plus la métropole impériale ; elle n’est pas encore la métropole ecclésiastique ; elle décline, dépouillée et mécontente : elle ne compte plus dans les annales de l’activité mondiale.

Avant de cesser — momentanément — de prononcer son grand nom, il convient d’indiquer en quelques mots ce que ce nom évoque au point de vue des manifestations de la pensée. Les lettres et les arts furent, à Rome, tributaires du dehors. Il est aisé de prétendre que le « génie latin » laissé à lui-même se fût épanoui à son heure mais comme cinq siècles après la fondation de Rome, ce génie ne s’était encore manifesté, en matière d’intellectualisme, par aucun instinct original ni même par une aspiration profonde et durable vers la beauté, une telle affirmation ne peut s’appuyer que sur des arguments sans portée. Au contraire on aperçoit que, sitôt le contact établi entre la culture grecque et la mentalité romaine, celle-ci s’en est trouvée comme fécondée et transformée. Il faut donc bien se résigner à admettre que dans ce domaine, Rome à tout reçu de la Grèce : les procédés de rhétorique aussi bien que les principes de philosophie, l’art d’écrire l’histoire comme celui de composer un discours, le drame et l’épopée comme la satire et la comédie : tout, depuis le péristyle du temple jusqu’à l’atrium de la maison particulière ; tout, depuis les données astronomiques jusqu’à la « médecine scientifique[1] ».

  1. Un médecin grec appelé pour soigner Auguste se vit malgré qu’il l’eut guéri, en butte aux sarcasmes de ceux qui prétendaient s’en tenir à la médecine familiale, aux vieilles « recettes des matrones ».