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quelle mentalité faire appel pour la soutenir ? Aurélien avait, à cet égard, donné un coup de barre décisif. Il y avait longtemps que les cultes asiatiques faisaient des adeptes en occident et principalement le mithraïsme, issu de l’antique religion persane mais transformée et dégénérée, de tendances absolutistes et monarchiques, identifiant en quelque manière le soleil, roi de la création, avec la majesté sacrée du souverain régnant. Aurélien entreprit de latiniser le culte du soleil en le rendant officiel. Une pareille entreprise devait naturellement dresser contre elle toutes les forces chrétiennes en ébullition. Pendant la crise du iiime siècle le christianisme s’était étendu de tous côtés. Ferrero en distingue bien le double motif. « Tandis, écrit-il, que les âmes d’élite parvenaient au christianisme à travers les épreuves de leur propre douleur par la vision de la douleur d’autrui ou le dégoût du monde bouleversé les foules étaient attirées par la généreuse assistance dont l’Église était si large envers les malheureux ; aumônes, charges ecclésiastiques et revenus qui y étaient attachés, enfin gestion des terres récemment acquises qui employaient un nombre toujours plus considérable d’agents, esclaves, travailleurs, colons, administrateurs »

Dioclétien ne tenait pas de façon spéciale à ce qu’on adorât le soleil mais il tenait à ce qu’on adorât sa propre majesté moins sans doute par basse vanité personnelle que parce qu’il apercevait dans la divinisation de l’empereur le meilleur moyen de rendre de la force et du prestige à l’empire. À quoi les chrétiens ne pouvaient souscrire. Ainsi s’expliquent les persécutions qui se déchaînèrent huit années durant. Il y en avait eu à plusieurs reprises depuis Néron mais passagères et plutôt locales. Cette fois elles furent générales. Ainsi qu’il eût été aisé de le prévoir, la religion nouvelle puisa dans cette épreuve vaillamment supportée un regain d’énergie et, dès lors, l’œuvre de Constantin se trouva tracée d’avance avant même que l’ouvrier destiné à l’accomplir n’eût paru.

La tétrarchie n’était pas viable. Elle ne survécut pas à son inventeur. Moins de vingt années s’écoulèrent avant que Constantin n’eut refait à son profit l’unité impériale (324). Il n’avait pas attendu d’y parvenir pour se tourner vers les chrétiens et leur assurer par le célèbre édit de Milan (313) une tolérance qui se changea bientôt en protection avérée. En 325 l’empereur présida lui-même le concile de Nicée auquel participaient plus de trois cents évêques et prêtres. L’année suivante il se rendit à Rome. L’illustre cité était quasi déshabituée des visites impériales. On