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rain qui s’est trouvé en conflit avec l’hellénisme. En étudiant plus tard l’histoire grecque, nous aurons à envisager ce conflit du point de vue grec. Et les Perses nous apparaîtront alors comme des « demi-barbares ». Ils l’étaient en effet sous l’angle de l’Esprit. En face de cette Grèce, de cette Athènes qui ont dressé dans la lumière des âges une acropole inégalable, tous les peuples d’alors, parmi les plus cultivés — même les Chinois et les Hindous — font figure de demi-barbares. Mais moralement les Perses tenaient le premier rang. Et ils le gardèrent. Les formes de leur religion purent se modifier, se ternir, la loi morale qui l’étayait demeura et continua d’illuminer leur route du reflet de sa beauté supérieure.

Les successeurs de Darius cependant ne se montrèrent pas à la hauteur de leur tâche. La fortune de leur maison avait été trop rapide sans doute. Le vertige les prit. Ils nourrirent des desseins déraisonnables et l’aventure grecque dans laquelle ils s’obstinèrent tourna contre eux. Leur politique occidentale après cet échec fut sans suite, sans buts précis, imprudente et désordonnée. Elle provoqua en quelque sorte l’initiative d’Alexandre ou du moins la facilita grandement. Et dans la plaine d’Arbèles (331) la destinée des Achéménides s’accomplit. Mais cette journée — l’une des plus importantes de l’histoire — ne fut cependant point pour les Perses une défaite nationale. Car sitôt le contact établi entre eux et le conquérant hellène, un lien les unit. À cet égard, la conduite d’Alexandre reflète péremptoirement sa pensée. Lui, le grand hellénisateur, demeura jusqu’au bout quoiqu’on en ait dit, fidèle à la mission qu’il s’était donnée. Jusque dans l’Inde, il prétendit implanter l’hellénisme. Seule la terre des Perses resta volontairement en dehors de ce plan. Là il lui suffisait de se considérer comme l’héritier de Cyrus et de Darius.

Lorsque sa succession prématurément ouverte fut partagée entre ses généraux, la Perse se trouva comprise dans la portion dévolue à Seleucus. C’était la part du lion — en apparence du moins — mais Ptolémée réduit à la seule Égypte se trouvait mieux servi. Le domaine de Seleucus s’étendait en effet de Sarde à Samarcande ; il était à la fois iranien et grec. Pour le tenir uni, la puissance et la gloire d’Alexandre étaient nécessaires ; nul n’y pouvait prétendre. On le vit sans retard. Seleucus Ier dit Nicator monta sur le trône en 312 et tout aussitôt la désagrégation