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portait ; plus tard son rival domina sans conteste. À partir du ixe siècle et pendant près de quatre cents ans la puissance khmer éclipsa toutes les autres. La capitale, Angkor-Thom, eut une enceinte plus vaste que Rome et rappelant les dimensions de celle de Babylone. Les ruines des temples et des palais khmers montrent que toute l’aspiration de ce peuple encore mystérieux se traduisit en constructions et en sculptures d’un art spécial où les influences hindoues et certaines réminiscences chinoises se trouvent comme adoucies par le sens occidental de l’harmonie et de la proportion. La cour des rois khmers fut assurément un centre de culture des plus remarquables. L’un d’eux qui régna de 1002 à 1050 est réputé avoir fondé un collège « voué au culte du vrai et du bien à l’intérieur et du beau à l’extérieur ». Que faisait, pendant ce temps, la pauvre Europe de l’an mille ?…

Les Thaï qui, sous le nom de Siamois, devaient abattre les Khmers et les réduire à n’être plus au Cambodge qu’un État effacé et restreint résidaient au Yunnan où, vers le viiie siècle, ils avaient connu l’indépendance et la prospérité. De là ils descendirent le Mékong puis la vallée du Ménam ce qui les mit en contact avec les Khmers dont ils furent longtemps les sujets. Ayant pris conscience de leur force, ils se révoltèrent en 1220 et purent soustraire le Laos à la domination khmer. Vers 1300, il en fut de même de la région du haut Ménam. Enfin Rama Dhipati (1351-1371) créa, par l’unification de diverses principautés rivales, le royaume de Siam actuel. Dès lors ce fut entre Khmers et Siamois une guerre incessante. De 1356 à 1460 Angkor fut prise et pillée à quatre reprises. Elle fut enfin abandonnée et la jungle commença d’étendre son manteau sur ses ruines merveilleuses.

La Birmanie fut le théâtre de rivalités parallèles. Les Birmans qui devaient lui donner son nom moderne étaient originaires du Thibet et bouddhistes comme les Siamois. Leur descente s’opéra par la vallée de l’Iraouaddy. Il y eut aussi dans cette vallée deux royaumes rivaux qui se subjuguèrent alternativement, celui des Pegous qui étaient les premiers occupants de la basse Birmanie et celui des Birmans, les nouveau-venus. Finalement ils se confondirent. Après de nombreuses péripéties, un chef birman, Alompra réussit à unifier tout le pays (1760). Déjà deux siècles auparavant Birmans et Siamois s’étaient fait la guerre. Depuis lors le royaume de Siam était devenu redoutable. Le roi Phra Naraï (1656-1688) qui envoya une ambassade à Louis XIV à Versailles avait, avec l’appui d’un aventurier grec devenu ministre, commencé