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le plan conçu par Dupleix. Lord Cornwallis nommé gouverneur (1786-1793) perfectionna et fortifia l’administration. Il obligea la compagnie à gouverner alors qu’elle n’aurait voulu que commercer. Mais au milieu de l’anarchie générale n’était-elle pas la seule organisation capable d’apporter un peu d’ordre dans le pays ? Cela suffisait à lui assurer le succès. L’opinion anglaise commençait du reste à s’éclairer ; elle comprenait l’importance de l’entreprise ; dans le but de tenir la route de l’Inde, les Anglais occupèrent Gibraltar et Malte, intervinrent en Égypte et en Asie-mineure. Dans l’Inde même, lord Wellesley (1798-1805) annexa le royaume de Mysore et abattit la confédération mahratte. Les Français au contraire continuaient d’ignorer l’Hindoustan ; l’idée qu’eut un moment Bonaparte de s’entendre depuis l’Égypte avec Tippo-sahib fils d’Haïder Ali leur sembla insensée. Cependant trois Français possédaient alors dans la péninsule une situation considérable. Au service des Rajahs, de Boigne, Perron et Raymond avaient réussi à former selon l’expression même de Wellesley de véritables « États français indépendants » dans les territoires dont la défense leur était confiée.

Peu à peu, la paix rétablie en Europe, la domination anglaise dans l’Inde se régularisa. Ceux qui en étaient investis s’intéressèrent aux Hindous et s’efforcèrent de leur faire du bien. Mais ne les comprenant guère, ils y réussirent mal. Les impôts plus justement établis furent réclamés en espèces et à date fixe. Les agriculteurs s’endettèrent pour y faire face et l’usure progressa. D’autre part, les troupes hindoues (on les appelait les cipayes) que Clive avait organisées à l’instar de celles de Dupleix, étaient à la fois orgueilleuses et alarmées des victoires que lord Dalhousie (1848-1856) leur avait fait remporter pour annexer le Penjab et la Birmanie méridionale. N’était-ce pas trahir la foi des ancêtres que d’opérer de telles conquêtes au bénéfice de l’étranger ? Aux approches de 1857, les cipayes (ils étaient deux cent trente-trois mille contre quarante-cinq mille Anglais) étaient prêts à la révolte. Elle éclata à propos d’incidents locaux, sans ordre et sans chefs. À Delhi, un mouvement musulman rétablit l’empereur dans sa pleine indépendance et chassa les Anglais. À Cawnpore, un mouvement hindou dont Nana-sahib était le chef provoqua d’odieux massacres de femmes et d’enfants. Il y eut des troubles dans le pays mahratte. Mais ces centres demeurèrent isolés les uns des autres. Les musulmans et Nana-sahib ne concertèrent pas leur action. Dans le Penjab à Calcutta, à Madras, à Bombay la population ne fit pas cause