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René Grousset dit justement qu’il « était depuis quatre siècles, le rendez-vous de tous les aventuriers sans emploi », l’Afghanistan. Avec quelques troupes recrutées au mieux, il s’empara de Caboul et de Kandahar. De là, en 1525, il entreprit de conquérir l’Inde. Dans la plaine de Panipat où cent vingt-cinq ans plus tôt Tamerlan avait remporté la victoire, Baber cueillit des lauriers qui lui assurèrent du premier coup le trône impérial. En cinq ans, il eut terrassé le roi du Bengale d’un côté et, de l’autre, la confédération des princes Rajputs. Malheureusement le temps ne lui fut pas départi d’organiser ses domaines. Il mourut dès 1530 laissant de ce fait son fils Houmayoun en face des plus grandes difficultés. Après dix ans de luttes, Houmayoun, vaincu et délaissé se trouva dans la situation qu’avait jadis connue son père ; presque sans ressources, il dut regagner avec quelques fidèles l’Afghanistan. Mais dans cette infortune, ses vainqueurs, les princes musulmans de l’Inde, lui apportèrent d’eux-mêmes une revanche. Leurs discordes violentes les affaiblirent si bien que, quinze ans après avoir quitté Delhi, Houmayoun y rentrait (1555). L’année suivante il y mourait laissant pour héritier son fils âgé de quatorze ans mais déjà homme par l’intelligence, l’action et la volonté ; celui-là allait être Akbar le grand (1556-1605). Le long règne qui débutait ainsi est un des plus beaux et des plus réconfortants de l’histoire. Soldat plein de valeur et de noblesse, Akbar conquit une à une toutes les provinces de son empire. Des princes Rajputs maîtrisés par sa force et charmés par sa magnanimité, il sut faire des feudataires enthousiastes et fidèles. Mais en lui la vaillance du combattant s’efface devant les mérites du gouvernant. À la différence de son père et de son grand-père qui les avaient plutôt méprisés, Akbar aima ses sujets hindous. Il leur restitua tous les droits que leur avait enlevés et toute la considération dont les avait privés la tyrannie musulmane. La suppression des injustices fiscales combinée avec une sage administration lui procurèrent, tant était grande la richesse de l’Inde, un budget annuel de deux milliards dont un quart fourni par le seul impôt foncier. À la tête de cette administration, Akbar avait placé des Persans car la civilisation persane, sa préférée, dominait sa pensée. Le persan était le langage de la cour. Mais au point de vue linguistique, le pays évoquait l’image de la tour de Babel, ni le Turc ni l’Arabe n’étant parvenu à supplanter les dialectes indigènes. Akbar créa une langue, l’hindoustani, que parlent aujourd’hui cent millions d’hommes. Le fait est unique. Mais tout semble unique chez ce prince. On l’a comparé