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empires du sud : inde

En regard de l’anarchie matérielle et morale où s’enlisait l’Inde gangétique que le rempart aryen ne défendait plus contre les intempérances intellectuelles et l’indiscipline des sens, l’Inde dravidienne présentait un contraste heureux. Non qu’elle fut unifiée ni à l’abri des guerres civiles. Les Mahrattes que Hiouen Tsang en parcourant leur pays qualifie de peuple « fier et emporté» et qui occupaient tout l’ouest du Dekkan c’est-à-dire la région de Bombay et la côte jusqu’à Goa — les Télougous qui tenaient Hyderabad et la côte est de Vizagapatam à Madras — les Tamuls enfin, agriculteurs et artistes, dont le domaine s’étendait de Madras au cap Comorin, furent souvent aux prises les uns avec les autres ; et le plateau de Mysore vit se dérouler bien des conflits sanglants pour la possession des retranchements naturels que présente sa surface accidentée. Mais entre tous ces peuples, il y avait le lien commun d’une vigueur saine et persévérante. L’influence étrangère n’avait sur eux guère de prise. D’eux sortirait finalement l’hindouïsme moderne. Ces peuples, ayant reçu de l’Inde aryenne les éléments de leur culture, les avaient déjà profondément modifiés. Leurs croyances, leur littérature, leur art en font foi. Les monuments dont le Dekkan se couvrit à partir du vie siècle ont une originalité et une puissance architecturales singulières. Tels les temples d’Ellora près d’Aurengabad dont l’un, le Kaïlaça taillé et évidé à même la montagne, constitue, avec sa grande salle centrale et ses chapelles, un immense monolithe haut de trente mètres ; telles encore les grandes pagodes de Tandjore et Madoura Les Dravidiens s’enrichirent de bonne heure par le commerce (dès les premiers siècles de l’ère chrétienne le port de Mangalore fut, par l’Égypte, un des fournisseurs indirects de l’empire romain). Au vie siècle, le commerce arabe développa une prospérité considérable en même temps qu’il frayait la voie à l’apostolat islamique.

C’est de Ghazna, en Afghanistan, que partit la conquête musulmane. Il y eut là, à partir de l’an 962, une sorte de principauté turque dont les chefs s’étaient composé une armée redoutable. Turcs nomades et Afghans de la montagne y guerroyaient de compagnie, poussés par l’amour des prouesses autant que par l’attrait du butin. En 997 Mahmoud devenu chef de la principauté lança ses hommes sur l’Inde. De 1005 à 1030 il ne cessa d’envahir, de razzier, de piller. Entre ses expéditions (on en compte dix-sept) il rentrait à Ghazna où il faisait à peu de frais figure de prince éclairé. Non qu’il fut illettré mais c’était, comme on dit, un