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empires du sud : inde

centralisée à la façon de Darius et d’Alexandre. Il y eut quatre vice-rois, des ministres, une hiérarchie de fonctionnaires, une armée régulière nombreuse. Asoka construisit en outre des routes, des ponts, des canaux, des hôpitaux. Tout cela était une grande nouveauté pour l’Inde. L’idée impériale s’emparait ainsi de la plaine du Gange. Tous les empires qui devaient s’y construire par la suite prendraient leur point de départ dans l’entrevue d’un aventurier hindou avec le héros de l’épopée hellénique et dans les initiatives géniales du petit-fils et successeur dudit aventurier.

Ayant réalisé l’unité politique, Asoka, en adhérant au bouddhisme, eût-il l’ambition de la doubler d’une solide unité religieuse et jugea-t-il qu’une pareille entreprise pouvait réussir avec le bouddhisme et non avec le brahmanisme ? Il se peut mais on doit considérer que l’ardeur de la conviction personnelle l’emporta bien vite chez ce prince sur toute considération, sur tout calcul d’intérêt. Par certains côtés Asoka évoque l’image du roi de France Louis IX. Il lui ressemble notamment en ceci que sa profonde ferveur religieuse ne lui fit point négliger ses devoirs de souverain ni desservir les intérêts matériels de ses sujets ; d’autre part, la vivacité de sa foi ne le rendit point intolérant. Ayant retiré aux Brahmanes l’appui officiel dont ils avaient si souvent abusé, il se garda de les persécuter. Toutes les sectes jouirent d’une sage liberté. Par elles et au dessus d’elles, il ne cessait de travailler à moraliser le peuple, se répandant en charités intelligentes, interdisant de tuer inutilement et de faire souffrir les animaux, enseignant à tous la douceur et l’entr’aide.

Asoka termina sa vie sous l’habit des moines bouddhistes sans pour cela cesser d’occuper le trône. Vers la fin sa piété grandissante l’entraîna à quelques faiblesses par lesquelles il sembla perdre de vue les prérogatives essentielles d’un État laïque. En 242 il avait assemblé à Patna un concile en vue de la propagande mondiale qu’il se proposait d’organiser. Et en effet, des missionnaires qualifiés, choisis parmi les plus convaincus et compétents, se répandirent dans toutes les directions, vers Ceylan et vers le Kashmir, vers la Birmanie et vers l’Afghanistan. Il semble même que leurs traces puissent être retrouvées fort au delà, jusqu’en Syrie, en Égypte et en Grèce.

Ceylan devint par la suite un des foyers permanents du bouddhisme, lequel par le Kashmir, pénétra d’autre part au Thibet où devait être dans l’avenir son autre centre. Mais dès 140 av. J.-C. les deux Églises divergeraient ; deux confessions se dessineraient : l’Église de Ceylan restée fidèle sinon à