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mouvement dont nous parlons a une si grande importance dans l’histoire chinoise. Il fut le point de départ des tendances xénophobes qui devaient finalement conduire à sa perte la Chine au génie sociable de laquelle l’isolement fut toujours contraire. Car on eût beau invoquer pour justifier la persécution des motifs différents, c’est bien en qualité de culte d’origine étrangère que le bouddhisme fut attaqué. Dès 845, un édit impérial avait ordonné la destruction de nombreux temples et monastères : deux cent soixante mille nonnes et moines furent rendus d’office à la vie du monde. Avec les Sung, le mouvement s’accentua. À la place du mysticisme, le néo-confucianisme s’installa sans pour cela déraciner le sensualisme. Le gouvernement fut aux mains de mandarins policés, adorateurs de la Raison, confiants en son impeccabilité et l’identifiant d’ailleurs avec l’esprit chinois. Parlant des institutions de ce temps, A. de La Mazelière les a fort bien analysées : « Elles ne cherchent, dit-il, que l’absolu. Elles ne tiennent pas compte du tempérament des souverains, des ministres ou des sujets. Pour la seule fois dans l’histoire, on a l’idée et presque l’exemple d’un système politique qui fonctionne sans l’initiative d’aucun homme d’État et comme automatiquement L’empereur ne sait rien, ne peut rien que par l’entremise des ministères. L’esprit chinois devient tellement jaloux que les fonctions des ministres sont attribuées à des conseils de huit ou dix membres. Ces conseils s’observent réciproquement Nul ne peut obtenir d’emploi sans passer des examens, examens dans lesquels la calligraphie compte autant que les idées et le style ». Tels sont les dirigeants. Les dirigés versent dans une indifférence croissante de la chose publique. Ils n’ont point de grandes ambitions ; ils se laissent vivre. Ils ne songent guère à l’au-delà et ne s’inquiètent plus d’en percer les mystères. Du xie siècle date ce morceau célèbre, qui vaut d’être cité en raison de sa tragique et sèche désespérance : « Seul ! la tête prise dans les ronces ; ta couche humide de rosée, plus froide encore sous le vent ; des feux follets, des lucioles. Aucun bruit que les chants du berger et du bûcheron sur la colline lointaine. Rien à voir qu’un oiseau qui s’envole, une bête fauve qui s’enfuit. Tel est ton désert maintenant. Et, dans mille ans, le renard et le blaireau creuseront leur terrier dans ta fosse, la belette y fera son nid. N’est-ce pas le sort des vertueux et des sages ? Partout leurs tombeaux épars nous font rougir de voir que le ciel est sans cœur ». Et s’il en est ainsi, quoi de mieux que de jouir des biens de la vie sous la protection d’un régime sans ambition lui aussi