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histoire universelle

Pour certains, toutes les grandes actions, toutes les évolutions historiques proviennent de causes économiques ; pour les autres, ce sont les idées et les passions seules qui gouvernent le monde. De même beaucoup professent que les évènements de l’histoire sont le résultat en quelque sorte fatal de courants collectifs tandis que d’autres ne veulent apercevoir que l’intervention volontaire d’individualités puissantes ayant orienté le cours des choses de façon inattendue. Comment peut-on être si exclusif ? L’action personnelle est sans doute, plus ou moins fonction du milieu au sein duquel elle se développe mais ce milieu lui-même peut en recevoir des directives ou des contre-directives décisives. L’histoire en fournit de nombreuses évidences. D’autre part la tendance à affronter des risques graves par idéalisme constitue la plus noble caractéristique des sociétés civilisées ; on les rabaisse en le niant, au rang des sociétés animales ; mais elles ne sont pas pour cela composées de purs esprits et les conditions de la vie matérielle influent nécessairement sur leur marche.

L’histoire universelle a ceci de particulier qu’elle nécessite au service de qui l’enseigne des divisions heureusement établies et assez générales pour alléger la masse pesante des faits en même temps qu’assez précises pour maintenir l’esprit en face des réalités essentielles. Le simple canevas numérique des siècles appliqué à un sujet si vaste le revêt d’une uniformité non seulement fastidieuse mais inexacte. L’homme n’a déjà que trop de tendances à se servir de mesures artificielles et rigides pour apprécier ce qui est irrégulier et mouvant. La notion des limites de sa propre vie et celle de la génération à laquelle il appartient, l’y incite dangereusement. Or, l’humanité évoque l’image de l’océan à la surface duquel tout est action et réaction sans qu’il soit possible de dénombrer les vagues, pourtant distinctes les unes et les autres, et de chronométrer leur parcours. De même suivre séparément le destin de chaque peuple et de chaque nation oblige à repasser maintes fois par les mêmes routes sans pour cela permettre de séjourner aux points de jonction où se prennent les larges vues d’ensemble, de toutes les plus éducatives.

On critiquera sans doute les divisions adoptées dans cet ouvrage. Elles pèchent contre la logique car les deux premières sont d’ordre géographique, la troisième d’ordre ethnique et la quatrième d’ordre politique[1]. Mais ce qui importe c’est qu’elles

  1. Encore pourrait-on observer que le sol, la race et la société représentent une gradation normale.