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Perse par cette christianisation des Arméniens et les luttes qui en résultèrent. En 449, la Perse victorieuse supprima la dynastie arménienne et annexa le royaume mais elle ne put jamais l’« iraniser ». Serrés autour de leur Église nationale qui leur fournit non pas seulement un culte et des dogmes mais une grammaire, une littérature, des arts, les Arméniens demeurèrent obstinément chrétiens. Aucune nationalité ne fut jamais défendue par le pouvoir sacerdotal avec une plus persistante résolution si ce n’est la Grèce moderne pendant les siècles qu’elle passa sous le joug ottoman. Lorsqu’au vime siècle, les évêques arméniens adhérèrent à l’hérésie monophysite, on peut penser qu’ils le firent surtout avec la pensée d’isoler l’Arménie non plus tant par rapport à la religion persane dont ils avaient cessé de redouter la concurrence que par rapport au christianisme byzantin qui les effrayait davantage. Les rois sassanides finirent par renoncer à avoir raison d’une race si vigoureusement préservée de toute emprise étrangère et ils lui reconnurent une large autonomie, confiant à des princes de la famille arménienne des Mamigonians le soin de gouverner le pays en leur nom. Les califes Abbassides firent davantage. En 886 ils rétablirent sous leur vague suzeraineté la royauté arménienne en faveur de la famille des Pagratides dont le premier prince se fit investir à la fois par le calife de Bagdad et l’empereur byzantin. Mais les Pagratides ne régnaient que sur la région de l’Ararat et de Kars. Leur capitale était Ani. Les autres provinces étaient gouvernées par des dynasties locales avec lesquelles l’entente n’était pas toujours aisée. L’Arménie n’en fut pas moins des plus prospères durant le xme siècle. Les rois qui se succédèrent entre 920 et 1020 embellirent et agrandirent Ani, la dotant de basiliques et de palais à la manière d’une grande cité byzantine. Ce fut aussi une période d’épanouissement littéraire. Mais évidemment l’organisation politique manquait de cohésion et la résistance nationale était affaiblie puisque les intrigues du gouvernement byzantin qui s’étaient maintes fois dépensées en pure perte, aboutirent cette fois à une série d’abdications et à l’annexion finale du pays sans que le peuple ait pris en mains sa propre cause comme il l’eût fait précédemment. Ce fléchissement de l’énergie arménienne eut de déplorables conséquences car, lorsque parurent les hordes de Togroul Beg, la défense ne put être assurée de façon efficace. Ani fut prise en 1064 et une dure servitude pesa sur cette race opiniâtre que tant de malheurs allaient accabler.

Un exode se prononça. Une partie du peuple arménien se