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empires de l’ouest : perse

Mais la Perse restaurée se trouvait cette fois aux prises avec des difficultés provenant de sa situation singulière. Elle formait un îlot au milieu du monde turc qui de toutes parts l’entourait. Et comme l’aryanisme et le chiisme avaient partie liée sur son sol, elle devenait le point de mire fatal des passions ethniques et religieuses environnantes. Lorsque le sultan Sélim Ier eut, en 1517, réuni dans ses mains le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel en se proclamant calife, la guerre sainte contre l’« hérésie persane » fit partie des devoirs héréditaires des empereurs ottomans. La Perse eut donc à se défendre désormais sur tous les fronts, tâche presque impossible à remplir. En 1555 il fallut abandonner aux Ottomans Bagdad et sa région dont ils devaient faire, après tant de prospérité et d’illustration, un désert improductif et misérable. Cependant, après une série d’échecs, le grand prince qui allait être Abbas Ier monta en 1586 sur le trône de Perse. Abbas reprit Kandahar aux Mongols et Ormuz aux Portugais qui s’y étaient établis depuis 1515. Il rétablit la suzeraineté sur l’Arménie et la Géorgie. Sa politique à l’égard des Arméniens fut particulièrement ingénieuse. Reconnaissant leurs grandes aptitudes commerciales, il ne se borna pas à les protéger chez eux mais les attira dans les principales villes de Perse, facilitant la concentration entre leurs mains du mouvement des affaires. Un considérable accroissement de la richesse publique ne tarda pas à en résulter. Quant aux Géorgiens qui étaient bons soldats, il les appela dans son armée puissamment réorganisée par des instructeurs anglais et pourvue d’une bonne artillerie. Mais ce qui rend inoubliable le règne d’Abbas (1586-1629), c’est la mission confiée par lui en 1600 à l’anglais Anthony Sherley et par laquelle il offrit aux puissances européennes et principalement à la Russie, à l’Autriche, à l’Angleterre ainsi qu’au Saint-siège de s’entendre en vue d’un effort commun pour éliminer la puissance ottomane et délivrer la chrétienté captive. Si la conception géniale d’Abbas avait été comprise et réalisée, toute l’évolution ultérieure de l’Europe en eût été modifiée et combien de désastres, évités ! La chance perdue ne se retrouva jamais.

Près d’un siècle s’écoula après la mort d’Abbas pendant lequel ses successeurs maintinrent sa politique sans posséder toutefois les qualités nécessaires : plusieurs se montrèrent cruels et vicieux. Cependant à tous égards la situation du pays semblait rassurante. L’Europe ayant fait la tardive découverte de ce que valait la Perse