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Ce n’était pas d’ailleurs impunément que celui-ci avait trop longtemps donné au monde le spectacle des torrents de sang qu’il se plaisait à faire inutilement couler. L’exemple venant du haut fut dès lors suivi. L’Iran en occident — comme la Chine en orient — avait par bonheur des aptitudes singulières pour amadouer et apprivoiser ses vainqueurs. Aussi le fils de Tamerlan, Shah Rokh et son petit-fils, Oloug Beg qui régnèrent au Khorassan de 1409 à 1449 s’employèrent-ils de leur mieux à favoriser les lettres et les arts. Il y eut autour d’eux une efflorescence du génie persan.

Il faut dire que ces renouveaux surprenants s’appuyaient sur une prospérité matérielle très développée. De toutes les « grandes pensées » dont on fait honneur à Gengis Khan, ce barbare illettré ne semble en avoir eu qu’une mais dont la valeur ne serait pas négligeable : ouvrir de force la voie à de larges échanges commerciaux d’un bout de l’Asie à l’autre. Encore serait-on en droit de se demander si l’homme qui faillit un jour décréter l’extermination de dix millions d’habitants du nord de la Chine afin de convertir le pays en terrains de pâturage pour sa cavalerie et n’en fut détourné que par l’habile stratagème d’un de ses ministres, possédait plus de compréhension en matière économique qu’en matière politique. Toujours est-il qu’après la ruée mongole, le commerce prit un développement formidable. Tauris, la capitale des souverains mongols de Perse, fut un carrefour privilégié. Les routes des caravanes y vinrent aboutir et la richesse de toute l’Asie occidentale, s’y entasser ou s’y répartir. L’administration mongole sut favoriser le développement de cette prospérité par une bonne organisation routière et par des tarifs plus raisonnables que ceux prélevés à Alexandrie, lieu d’échange des marchandises entre l’Asie et l’Europe lorsque la voie de terre se trouvait coupée.

De même que Koublaï en Chine, Oloug Beg n’eut pas de successeurs digne de lui. Ce fut de nouveau l’anarchie. Deux hordes turques dites du Mouton blanc et du Mouton noir « arrière-garde attardée des grandes invasions », se disputèrent la Perse. Après cinquante ans, le salut vint du sein de la secte des Soufis, l’une des plus ferventes du milieu chiite. En 1479, Ismaïl Shah prenant la tête d’un mouvement qui se préparait depuis longtemps, expulsa les envahisseurs et restaura l’unité persane par une série de combats mémorables.