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parenté et d’où dérive-t-elle ? L’homme se distingue des autres animaux par deux traits essentiels : l’usage du langage et de l’outil. On dit volontiers qu’il s’en distingue encore par la manière de se tenir, par ce qu’on nomme la station droite. Pourtant certains animaux se rapprochent de lui sous ce rapport et l’on imagine que, sous l’impulsion de circonstances données, une transformation puisse s’opérer en eux qui les en rapproche encore davantage. Il n’en va pas de même du langage. Nous concevons malaisément le passage des sons inarticulés à la parole, expression directe de la pensée. L’homme peut-il être le simple produit d’une évolution incalculable ? Beaucoup de savants acceptent cette doctrine. Ils admettent une période pendant laquelle l’animal humain n’a pu que grogner et japper, puis une seconde période allant peut-être de la parole articulée à la découverte du feu. Le reste s’enchaîne sans difficulté. L’emploi de l’outil primitif marque le commencement de l’industrie, de même que l’idée d’orner le moins du monde cet outil en le travaillant marque le commencement de l’art. Donc, une fois admis l’homme pensant et parlant, l’évolution humaine devient claire ; ce qui ne l’est pas, c’est la façon dont un simple animal du genre de ceux qui nous entourent serait devenu conscient et aurait réussi à traduire sa pensée par la parole articulée. Sans oser s’inscrire en faux contre cette hypothèse, les preuves manquant en somme pour l’infirmer, il convient de prendre en considération l’apparente immobilité du règne animal. À travers toute la période historique nous n’apercevons pas le plus léger symptôme de perfectionnement. Le chien d’Ulysse possédait déjà le genre d’intelligence et la faculté d’attachement qui nous font aimer ses descendants ; les fourmis n’ont point amélioré leurs étonnantes communautés ; le miel de l’hymette n’est pas surpassé ; le talent d’architecte du castor est demeuré identique[1] et l’habileté professionnelle du perroquet n’a pas fait un pas non plus que l’art incontestable du rossignol. Je cite à dessein des animaux que leur industrie, leurs groupements sociaux, leurs facultés et même un curieux phénomène d’articulation irréfléchie désignent comme plus propres à se développer dans un sens parallèle au nôtre. On a dit de certains d’entre eux qu’ils étaient « candidats à l’humanité » ; le mot est joli mais ce sont là de singuliers candidats puisqu’ils ne font aucun progrès ! On objectera alors que quelques mille ans ne représentent que la valeur d’un instant par rapport au formidable amoncellement des âges

  1. S’il tend à cesser de se manifester, cela est dû à des causes extérieures.