Page:Couët - Le bois, voilà l'ennemi!, 1909.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8

sur les bords du St-Laurent, les deux rives étaient occupées sur plusieurs milles de profondeur, et l’on n’osait pas s’aventurer plus avant.

Le marchand de bois parut alors, et l’on sait avec quel empressement les jeunes gens partirent pour les chantiers et se précipitèrent à l’assaut des pins séculaires.

Ils s’éprirent facilement de ce genre de vie. Il avait en effet bien des charmes pour cette jeunesse ardente et vigoureuse. Elle y trouvait une indépendance et une liberté relatives, surtout de gais compagnons et la vie au grand air. Dans cette atmosphère si saine de la grande forêt aux essences résineuses, sous le ciel si pur et si brillant de nos hivers canadiens, tout en maniant la hache du bûcheron ils puisaient des forces nouvelles, et leur sang si énergiquement fouetté emmagasinait des réserves de vigueur et de santé pour l’avenir.

Le soir les ramenait au campement, et après un repas pris en commun, les bonnes histoires et les chansons gaies et patriotiques les préparaient à une nuit qui n’étaient jamais sans sommeil. Le dimanche, la récitation du chapelet ou le chant d’un pieux cantique leur rappelait le clocher natal où l’on entend la messe, et où l’on prie pour les absents.

Le printemps venu, le ruisseau gonflé par la fonte des neiges s’emparait des billots énormes déposés sur ses rives et les entraînait dans le courant rapide. Le bûcheron partait à la suite, une longue perche ferrée à la main, les poussant devant lui, et les suivant jusqu’à la scierie mécanique qui en faisait des poutres et des planches. D’autres pièces confiées au courant du fleuve, descendaient jusqu’à Québec, toujours escortées du même bûcheron qui ne les quittait qu’après les avoir chargées sur les bateaux qui les transportaient au-delà de l’océan.


Cette activité commencée sur les bords de l’Ottawa s’est propagée le long du St-Laurent jusqu’au mystérieux Saguenay.

Il est alors arrivé ceci : c’est que nos jeunes gens, initiés à cette vie, ont fini par l’aimer, puis une fois établis, ils ont continué à demander à la forêt et au chantier le pain de chaque jour, pour leur famille qui l’aurait en vain cherché ailleurs. C’est encore ce commerce de bois qui, à lui seul, n’a cessé d’alimenter l’activité du port de Québec, durant plus