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Et cet espace, c’est le cultivateur qui le possède.

Il est étrange que l’on n’ait pas encore songé à lui demander, à lui, la solution de ce problème national, car il a de la terre, et tellement, que s’il le voulait, il pourrait en céder à tous ceux qui en demandent.

Nous ne lui en faisons pas un crime, il ne l’a pas volée ; nous ne voulons pas la lui enlever, ni même en soustraire la moindre parcelle, mais nous trouvons qu’il est bien vaste le champ de cent acres qui forme d’ordinaire le domaine du cultivateur canadien. N’est-ce pas beaucoup pour un seul homme ? Comparativement aux autres pays, c’est énorme. En France, en Belgique, en Hollande, en Allemagne, partout, sauf en Amérique, il est bien rare que le petit propriétaire terrien possède plus de dix à vingt acres. Et sur ce petit lopin de terre, il vit, sa famille vit, il ne s’enrichit peut-être pas beaucoup lui-même, mais il enrichit son pays de ses épargnes. Ne sait-on pas que le paysan français est devenu le banquier de l’Europe ? Aussi l’étranger qui arrive chez nous, et voit ces immenses domaines, la propriété d’un seul, n’est pas loin de penser que celui-ci est un grand seigneur. Comme il se trompe, cependant ! Lui, l’étranger, vit sur un petit coin de terre, et notre grand seigneur, souvent, meurt de faim sur ses cent acres.

C’est beaucoup également pour le soin qu’il peut en prendre et le travail qu’il peut y faire. C’est trop même, car il est reconnu que la terre en Canada est cultivée d’une façon bien superficielle. Le cultivateur canadien peut posséder parfois un beau domaine, ses champs se couvrent de moissons, et nourrissent de nombreux troupeaux, mais cette terre ne garde-t-elle pas le meilleur de ses richesses parce qu’on ne sait pas les lui arracher ?

Bêchez, bêchez, remuez la terre, c’est le fond qui manque le moins, disait le bon Lafontaine. C’est aussi ce qu’il faudrait dire à notre laboureur qui perd son temps à parcourir de grands espaces, et tracer le même sillon que ses ancêtres.

Ce n’est pas tout à fait sa faute. C’est la force de l’habitude, comme c’est aussi une part de l’héritage qu’il a reçu de ses pères. Les premiers colons qui vinrent ici, opéraient au hasard, cultivant n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment, préoccupés uniquement de vivre. L’énorme étendue du sol les invitait à ce genre de culture, ou mieux cette