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surtout d’intercepter sévèrement toutes les lettres qu’ils hasarderaient de faire passer à la cour de Russie.

Tant d’égards d’un côté, et de l’autre tant de rigueur et de mystère, faisaient soupçonner que le simple nom de Pierre Springer, qu’on donnait à l’exilé, cachait un nom plus illustre, une infortune éclatante, un grand crime peut-être, ou peut-être une grande injustice.

Mais tous les efforts pour pénétrer ce secret ayant été inutiles, bientôt la curiosité s’éteignit, et l’intérêt avec elle. On cessa de s’occuper d’infortunés qu’on ne voyait point, et on finit même par les oublier tout à fait : seulement, lorsque quelques chasseurs se répandaient dans la forêt, et parvenaient jusque sur les bords du lac, s’ils demandaient le nom des habitants de cette cabane : « Ce sont des malheureux », leur répondait-on. Alors ils n’en demandaient pas davantage, et s’éloignaient émus de pitié, en se disant au fond du cœur : « Dieu veuille les rendre un jour à leur patrie ! »