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dent qu’à être bien exprimées, et s’il est permis de le dire, elles mendient l’expression : voilà pourquoi l’homme à talent vole toujours l’homme d’esprit : l’idée qui échappe à celui-ci, étant purement ingénieuse, devient la propriété du talent qui la saisit.

Il n’en est pas ainsi de l’écrivain à grand talent ; on ne peut le voler sans être reconnu, parce que son mérite étant dans la forme, il appose son cachet sur tout ce qui sort de ses mains. Virgile disait qu’on arracherait plutôt à Hercule sa massue, qu’un vers à Homère. Le mérite des formes et de la façon est si considérable, que M. Sieyes ayant dit à quelqu’un de ma connaissance : permettez que je vous dise ma façon de penser ; celui-ci répondit fort à propos : dites-moi tout uniment votre pensée, et épargnez-moi la façon. J.-J. Rousseau, par exemple, emprunte la plupart de ses idées à Plutarque et surtout à Montaigne ; mais il trouve si bien dans son talent de quoi parer ses vols ou ses emprunts, que l’intérêt n’en est jamais perdu pour ses lecteurs. On dirait, en effet, que les idées sont des fonds qui ne portent intérêt qu’entre les mains du talent.

Maintenant, pour en venir à la plupart de nos