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un pas tremblant ; aux prises à chaque instant avec un obstacle, elle ne triomphe d’un premier danger que pour se précipiter dans un second ; perdue au milieu d’un vaste désert qu’habite seule la tempête inflexible, elle s’avance, battue par les vents acharnés après elle : tantôt emportée dans un tourbillon de neige, elle roule au milieu des frimas ; tantôt attachée aux flancs d’un roc décharné, elle demande aux antres les plus sombres un abri contre les courroux des autans et des frimas : ce n’est qu’en pressant avec force contre son sein meurtri les pics aigus de la roche escarpée, qu’en se faisant un lien de ses bras ensanglantés, qu’en attachant la vie à la mort, qu’elle résiste au souffle irrésistible qui la chassait devant lui comme une ombre légère. Qu’elle est immense, pour une jeune fille qui la traverse ainsi, la distance qui sépare de Moscou les extrémités de la Sibérie ! qu’elle est belle, qu’elle est intéressante la vierge qui la parcourt, ayant pour guide la piété filiale, pour arme son innocence, pour espoir la grâce de son père malheureux ! Comment arrivera-t-elle au terme de ce long pélerinage ? comment pourra-t-elle surmonter tant d’obstacles insurmontables ? Une invisible main