blicain, et sa gaieté lui paraît suspecte. Comme son sérieux est une espèce de toilette affectée, il a naturellement son côté plaisant ; et comme sa gaieté est toujours concentrée, l’explosion en est souvent très-piquante. Quel fruit pouvait-elle retirer de la conversation du militaire qui ne vit que dans le mouvement, et ne s’agite que pour guerroyer ? Il rêve tactique dans les bras de sa maîtresse ; toutes ses actions sont des manœuvres, et l’état militaire est son livre classique. Il règne à son régiment avec toutes les délices du commandement ; il l’exerce avec toutes les minuties de la sévérité. S’il est contraint de rester à Paris, il se venge de son inaction sur ses amis, en transportant leur imagination où son activité appelle sans cesse la sienne. Elle eût lancé un regard allumé du feu du mépris sur cet être dangereux qui écoute tout avec résignation, parce qu’il est payé pour s’ennuyer et pour nuire. S’il se mêle à une conversation, il déraisonne pour faire raisonner l’assemblée ; s’il approuve le sentiment de quelqu’un, c’est pour l’amener à des épanchemens aussi dangereux qu’inconséquens. Si, par hasard, il n’est de l’avis de personne, c’est pour attraper celui de tout le monde. Quelquefois il
Page:Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 1.djvu/30
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.