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Soulage sa douleur ; conserve-lui la vie, et, s’il est possible, fais plus encore, arrache-moi de son cœur. Élise, Élise, que l’objet de ma tendresse ne soit pas celui de ton inimitié ! Pourquoi le mépriserais-tu, puisque tu m’estimes encore ? pourquoi le haïr, quand tu m’aimes toujours ? pourquoi ton injustice l’accuse-t-elle plus que moi ? s’il a troublé ma paix, n’ai-je pas empoisonné son cœur, ne sommes-nous pas également coupables ? Que dis-je ? ne le suis-je pas bien plus ? son amour l’emporte-t-il sur le mien ? ne suis-je pas dévorée en secret des mêmes desirs que lui ? Il voulait que Claire lui appartînt : eh ! ne s’est-elle pas donnée mille fois à lui dans son cœur ! Enfin, que peux-tu lui reprocher dont je sois innocente ? Nos torts sont égaux, Élise, et nos devoirs ne l’étaient pas : j’étais épouse et mère ; il était sans liens : je connaissais le monde ; il n’avait aucune expérience : mon sort était fixé et mon cœur rempli ; lui, à l’aurore de sa vie, dans l’effervescence des passions, on le jette, à dix-neuf ans, dans