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des jouissances ; mais les premiers irritent, et les autres se partagent. Dans un siècle où l’esprit ne conduit à rien et ne paraît que pour faire rougir ceux qui parviennent à tout, il est naturel qu’il soit redouté, haï, et même persécuté ; mais la gaieté, cette expression franche de la pensée, ce plaisir innocent à afficher, et si difficile à communiquer, comment n’obtiendrait-elle pas grâce aux yeux même de l’amour-propre le plus chatouilleux ? L’esprit a presque toujours un brillant qui humilie ou une amertume qui blesse ; mais la gaieté, naïve même dans la satire, doit du moins désarmer ceux qu’elle ne séduit pas : l’esprit subjuguant la société par son éloquence et sa justesse, l’avertit trop de sa supériorité ; la gaieté, en volant de bouche en bouche, donne un air d’égalité à tout ce qui partage son ivresse, et doit endormir les amours-propres. Un homme d’esprit peut paraître dangereux par la liberté de ses principes, par l’étendue de ses moyens, et surtout par l’influence de ses écrits ; mais quel mal peut faire un homme gai ? rien ne lui échappe, mais rien ne l’occupe ; il n’agit et ne parle que par des mouvemens vrais, et il ne combat le ridicule