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plusieurs inconséquences, et finit par égarer son jugement et son esprit. Elle eut un goût trop passionné pour la littérature : tant il est vrai que le goût le plus innocent, et même le plus noble, quand il n’est pas renfermé dans de justes bornes, peut avoir les plus graves inconvéniens, surtout pour une femme. Cette passion, devenue dominante dans une personne qui avait le sentiment de sa force, et qui se trouvait avec raison si supérieure, par l’esprit et l’instruction, à toutes les autres femmes, lui inspira un ardent désir d’obtenir une grande célébrité. Elle admirait trop profondément Thomas pour ne pas chercher à l’imiter ; et bientôt ses idées et son style prirent l’exagération et l’emphase de son modèle. Alors se forma cette école malheureuse, si féconde en brillans galimatias, dont Thomas fut le meilleur auteur et le chef, et dont madame Necker fut la mère. Cette femme, née pour tous les goûts simples que donne la vertu, ne pouvait supporter la campagne : entourée même de tous les objets qui lui étaient chers, il lui fallait une cour de littérateurs. Trop raisonnable pour dédaigner les occupations de son sexe, elle était incapable de s’y livrer ; elle s’était fait un besoin iné-