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les voies de l’amour

Dans mon esquif, j’allais d’enchantement en enchantement et un jour, j’entrevis un lieu de délices plus grands. Je crus au bonheur suprême, à la réalisation de mon rêve le plus cher ; mais, hélas ! au moment où j’entrevoyais l’Éden, le fleuve faisait un détour brusque et ma barque était entraînée dans les tourbillons d’une cataracte que je n’avais pas vue et au fond de laquelle elle allait se briser. Voilà l’image de ma vie.

« Mes bons amis, il me fait peine de terminer ainsi cette soirée et ce festin que je vous offrais dans l’espoir de renouer plus solidement notre vieille amitié en pensant aux beaux jours de notre jeunesse, malheureusement un souffle inattendu a dispersé les cendres qui recouvraient des tisons que j’aurais voulu voir éteints depuis longtemps. Ce souffle en a attisé le feu qui consumera toute notre joie. Cependant la sympathie, que vous paraissez me montrer, m’invite et m’encourage à vous ouvrir le livre de ma vie et à vous en étaler spécialement les pages les plus intimes et les plus tristes. Vous y verrez celles où je commence à boire goutte à goutte le bonheur dans une coupe qui me paraissait d’or massif et d’une profondeur inépuisable, et puis celles où je continue à boire à longs traits, m’imaginant que cette coupe toujours débordante ne se viderait jamais entre mes lèvres et ne se briserait jamais entre mes doigts. Hélas ! vous verrez aussi comme moi que cette coupe