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les voies de l’amour

tenait encore, et ses yeux roulaient des larmes discrètes qui perlaient sous ses longs cils.

Jusque là Michel Toinon, de nature plutôt tranquille et peu loquace, avait écouté avec plaisir le rappel des souvenirs de la jeunesse de ses confrères ; il avait applaudi à la véracité plus ou moins exacte de leurs histoires comiques ou sérieuses, se contentant par moment de corriger les dates ou les faits, mais il avait peu parlé tant il était attentif à ses doubles devoirs d’amphitryon et d’échanson. Baptiste Viau s’était tu et les convives s’aperçurent tout à coup de l’immobilité et de la tristesse de Michel. À cet instant, Andrée pénétrait toute joyeuse dans la salle : « Père, dit-elle, il est grand matin ; peut-être tes bons amis aimeraient-ils se reposer ». L’accent doux de cette voix chérie rappela Michel à la réalité ; il voulut essuyer furtivement les larmes qui allaient couler sur ses joues, mais Andrée les avait vues. « Père, dit-elle, qu’as-tu ? tu pleures ».

« Pardonnez-moi, mes bons amis, dit-il, ces moments de faiblesse. Vous êtes médecins de l’âme autant que du corps, et vous savez qu’il y a dans la vie des heures si douloureuses que parfois le souvenir en est inoubliable et qu’il vient parfois troubler votre âme quand tout paraît sourire dans la nature et autour de vous. Comme la tentation persistante, il vous harcèle, vous tenaille jusqu’à ce que votre âme en éprouve une dépression