Page:Cotret - Les voies de l'Amour, 1931.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
les voies de l’amour

de les voir manifester tapageusement leurs remerciements. Son aménité paraissait extrême et seule sa taille dominait ses convives. Jeune il avait été joli ; l’âge et les chagrins l’avaient encore embelli en lui donnant un air de dignité qui manquait peut-être quelque peu à quelques-uns de ses hôtes. En effet, à l’autre bout de la table, Baptiste Viau ne payait pas de mine. Sa laideur d’autrefois s’était aggravée. Son nez, qui n’était pas des plus délicats dans le jeune âge, avait pris des proportions considérables, et une teinte couperosée l’envahissait en entier comme si un jour la couleur des cheveux rouges de son propriétaire s’y était déteinte. Baptiste n’était pas beau, mais il était resté le boute-en-train de toutes les fêtes comme autrefois. Voir son masque, même au repos, c’était suffisant pour pouffer de rire ; imaginez ce que c’était quand sa bouche s’ouvrait démesurément pour la chanson comique ou grivoise dont il avait toujours conservé le monopole.

En vis-à-vis de chaque côté de la table, Louis Vincent et Pierre Vinet offraient eux-mêmes des contrastes aussi marqués. Louis était plutôt délicat ; mais sous des apparences toujours fragiles il avait eu des muscles de fer et ses yeux gris luisaient encore comme de l’acier bien trempé. Chauve et presque imberbe, il avait cependant conservé une figure de jeunesse, sans rides, et l’âge chez lui ne pouvait se deviner qu’à la blancheur de ses cheveux.