agonie. C’était l’écroulement de tout notre bonheur. Mon Andrée que j’avais tant aimée expirait et mon amour aveugle, mon insouciance l’avaient tuée. J’avais désiré la vie et j’avais, par mon imprévoyance, ouvert la porte toute grande à la mort. Marin insouciant, je n’avais pas veillé au grain ; un tourbillon de vent est survenu, roulant le tonnerre dans ses flancs ; et la foudre, s’en détachant, avait déchiré le grand mât de mon navire qui vogue maintenant à la dérive. Si je n’avais pas eu la vie du petit mousse à protéger il y a longtemps que je l’aurais laissé sombrer sur les brisants.
« Andrée serait morte de toute maladie, j’en aurais eu une peine inénarrable, incommensurable ; j’aurais pleuré abondamment ; j’aurais gémi lamentablement, mais j’en aurais fait mon deuil, mon sacrifice à la fin, parce qu’il faut mourir un jour, se séparer tôt ou tard, car la mort ne mesure pas nos jours aux heures de bonheur ou de tristesse. Mais mourir parce qu’on a porté la vie dans ses flancs, parce qu’on a donné le jour à cette vie, c’est incompréhensible ; mais mourir parce qu’un époux médecin n’a pas été assez intelligent pour prévenir la catastrophe, c’est horrible. Que la femme d’un médecin meure d’éclampsie ou d’infection puerpérale, c’est une abomination. Comprenez-vous maintenant, mes amis, la douleur et le remords qui me poursuivent incessamment depuis ? Il me semble que je suis