Page:Cotret - Les voies de l'Amour, 1931.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
les voies de l’amour

moribonds et nos yeux étaient restés secs, nos regards plutôt froids, et nos cœurs, presque insensibles.

« Notre petite Française, nous l’avons vue pendant quelques jours ; elle s’éteignait doucement sans s’en apercevoir, l’âme et le cœur remplis d’espérances. Quand nous entrions dans la salle Ste-Marie, nous nous taisions pour ne pas troubler le repos de ses derniers moments, pour ne pas lui faire regretter sa jeunesse trop tôt disparue, pour ne pas lui enlever les dernières illusions de la vie qui s’éteint. Nous n’osions plus la regarder pour ne pas voir ses grands yeux humides, et pour ne pas lui montrer les larmes qui coulaient de nos yeux… Un matin nous sommes passés dans la salle Ste-Marie ; le petit lit était vide, refait à neuf… La mort était passée avant nous… Le lendemain, le corps blanc de la petite Française était étendu là devant nous, sur une table de dissection, à l’Université. Nos yeux roulèrent de grosses larmes à la vue de cette beauté, fanée, meurtrie, et personne n’osa toucher le corps de la petite Française. Ce fut notre professeur de dissection, le Docteur Berthelot, qui fouilla, de son scalpel habile et impitoyable, cette poitrine qui avait respiré avec ardeur, ce cœur qui avait aimé avec passion, ce cerveau qui avait eu les plus belles et les plus grandes espérances, et enduré trop vite et trop abondamment les tourments et les angoisses du malheur. Nous avions tant aimé cette petite Française en un jour