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les voies de l’amour

contre les attaques de Jean. Parfois j’avais envie de crier, de t’appeler, mais quand je voyais les yeux de Lucille, j’avais peur et je me faisais toute petite. Il me semblait qu’il sortait de ses yeux des jets de feu qui allaient me foudroyer, me consumer. J’avais bien plus peur d’elle que de Jean que je détestais de tout mon cœur.

« Quand j’allais à Montréal et que je ne faisais que t’entrevoir, il me semblait que les minutes n’avaient pas même la durée de l’éclair et que, par contre, les heures et les jours passés sans ta vue avaient duré des années et des siècles. Sur l’invitation de Jean, j’allais aux bals, aux soirées dansantes, aux plaisirs de l’hiver, uniquement pour te voir, entendre ta voix, toucher par hasard ta main. Te voir, te parler, te dire mes soupçons, c’était le grand but de mes promenades à Montréal. Hélas, tu me fuyais toujours et moi je te recherchais sans cesse. J’étais triste quand je te voyais avec Lucille, mais je retenais mes larmes et tu ne te doutais pas de l’amour humilié qui pleurait à deux pas de toi. Souvent un désespoir noir me prenait et j’appelais la mort. Mais j’aurais voulu mourir près de toi, à tes pieds pour que tu connusses tout mon amour et que tu daignasses jeter un dernier regard même de mépris à celle qui t’aimait tant. Mais ta pensée me revenait trop vite qui me rattachait à la vie, à une vie languissante et toute de douleur.