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les voies de l’amour

malheureuse, comme une épave, dans les bas-fonds de la misère noire. Elle a couché dans des taudis infects, sur des tas de haillons sordides, et mangé, quand elle en trouvait, les morceaux qu’on jetait aux chiens. Les larmes ont brûlé ses joues ; les coups ont meurtri son corps ; l’abandon a déchiré son cœur et le désespoir la tuait enfin.

« Le professeur Laramée interrogeait cette pauvre petite malade avec le tact et la délicatesse qui le caractérisaient si bien. Quand il lui parlait, sa voix s’adoucissait et prenait un ton affectueux comme celui d’un père interrogeant son enfant sur les angoisses profondes de son âme et sur les douleurs cachées de son cœur. Quand la petite malade répondait au bon docteur, sa voix triste avait des accents doux et plaintifs comme ceux de la lyre qui chante, à l’approche de la nuit, les illusions disparues, les espérances évanouies, les malheurs accablants.

« Étudiants, nous étions jeunes, encore à l’âge où le cœur s’ouvre facilement aux impressions délicates et tendres, où l’âme toute neuve prend en pitié ceux qui souffrent ou pleurent, où les sens s’éveillent rapidement aux traits de la beauté ; et nous avions devant nous une belle petite Française, fleur fanée il est vrai avant le soir, mais fleur exhalant tout de même encore des parfums. Elle était belle, cette petite Française, en dépit de la maladie qui la consumait, des misères qu’elle avait