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les voies de l’amour

à ses élèves et leur faire voir ou toucher ce que lui-même comprenait très bien. Quand il opérait, son couteau entrait hardiment, sans hésitation, dans les chairs et en enlevait ce qu’il avait voulu. »


Pierre Vinet, qui avait parlé comme il le faisait toujours, avec volubilité, se tut, secoua sa grosse pipe éteinte depuis longtemps, alla sans gêne se verser une rasade, puis revint prendre sa place près de la cheminée pendant que Jean Bruneau commençait à débiner sur le caractère de Brosseau.

« C’est vrai, disait-il, Brosseau était connu comme le plus habile chirurgien de tout le Canada, et comme le plus grand clinicien par ses élèves ; mais, hélas ! Brosseau était célibataire et il avait le grand défaut de tous les vieux garçons : il était grognon, défaut qui finit souvent par être l’apanage des chirurgiens quand ils commencent à vieillir, même sans être célibataires. À part ce défaut qu’il cachait autant qu’il le pouvait, Brosseau était un charmant homme, estimé et aimé des étudiants qui pardonnaient facilement au vieux garçon le seul travers qu’il eût. Souvent nous avons vu Brosseau s’emporter, se fâcher pendant une opération et maugréer contre ses assistants et leur chanter pouille ; mais il s’excusait aussi rapidement et allait jusqu’à demander pardon de sa brusquerie devant toute la classe. Un jour, Brosseau