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les voies de l’amour

m’envoyait comme récompense du bien que je me proposais d’accomplir en réparation de mes fautes. Je lui indiquai la porte de mon bureau et je l’y suivis. Je l’invitai à s’asseoir dans le grand fauteuil.

« Cet homme était de grande taille ; sa tête chauve, couronnée de cheveux gris et crasseux, était courbée comme sous le poids de l’ignominie ; son nez, affreusement bourgeonné et épaissi, décelait son penchant à l’alcool ; ses yeux ternes, hagards, indiquaient l’usage habituel de la morphine et de la cocaïne ; sa barbe grisonnante, plantée dru, et ses joues amaigries, ridées et sales, constamment agitées d’un tic nerveux, lui donnaient une expression de décrépitude navrante ; ses épaules voûtées sur un thorax affaissé soulignaient la détresse de son estomac. Le pauvre malheureux s’affala dans le fauteuil que je lui offrais, et il glissait ses pieds en-dessous pour cacher l’usure complète des souliers. Quand il me parlait par mots entrecoupés et hésitants, il se frottait le bout du nez constamment, signe caractéristique du morphinomane. Le pauvre homme me fit tellement pitié que j’allai lui chercher un verre de lait et un quignon de pain.

« Vous êtes bien, me dit-il en grignotant son morceau de pain, le docteur Michel Toinon ? » — « Oui, mon ami ; que me voulez-vous ? » — « On vous dit, docteur, aussi charitable et généreux qu’excellent médecin. On