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les voies de l’amour

jour il deviendra sérieux et quand il ne verra plus le regard enchanteur, qu’il n’entendra plus la voix charmeuse de la jeune fille de la maîtresse de pension, il l’oubliera vite et me reviendra. C’est la première jeune fille qu’il rencontre dans une grande ville. Il habite la même maison qu’elle. Il la voit tous les jours, presqu’à chaque instant. Elle folâtre constamment autour de lui comme le papillon qui s’éprend de la même fleur ou du même bosquet et ne les quitte plus. Mais un jour, reçu médecin, il ne reverra plus le papillon ; il en oubliera les charmes et la beauté de ses ailes aux couleurs variées. Peu à peu les souvenirs de son enfance et de sa jeunesse se mêleront aux regrets de l’éloignement et de la séparation. Le velouté des yeux de Lucille perdra de sa fraîcheur ; le teint mat de ses joues s’affadira ; ses lèvres de carmin pâliront ; sa taille fine et élégante s’épaissira ; de loin sa voix n’aura plus la même suavité ; l’auréole de sa beauté s’évanouira ; son haleine n’aura plus de chaleur ; le contact perdu de sa main ne l’ensorcellera plus. L’éloignement, l’absence de sa Lucille n’exerceront plus de prestige sur lui. Peut-être se souviendra-t-il alors de sa petite villageoise qu’il désirera revoir dans les belles allées de nos jardins, sous les tonnelles ombragées ou au pied du gros érable en face du fleuve. Quelquefois le soir, en revenant des malades à travers la campagne, quand la lune projette de grandes ombres