Page:Cotret - Les voies de l'Amour, 1931.djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.
158
les voies de l’amour

prenaient une tout autre tournure. Je le regrettais souvent et alors je désirais ardemment le retour de Jean, qui seul pouvait me délivrer de cet amour nouveau qui semblait prendre racine dans le cœur de Béatrice et peut-être aussi dans le mien. D’autre part, Béatrice était si caressante, si chatte que parfois je ne pouvais réprimer certain mouvement de tout mon être qui me portait à la saisir, à la presser sur mon cœur, à la couvrir de baisers et à lui déclarer tout mon amour, car il me semblait que je serais plus heureux avec elle parce qu’elle avait le cœur plus tendre, l’âme plus sensible que Lucille. Je goûtais parfois délicieusement sa conversation plus posée, plus suivie, et c’était alors l’intrusion de Lucille qui me devenait pénible, et parfois j’allais jusqu’à regretter d’avoir tant aimé cette dernière puisqu’elle me privait d’un bonheur que j’imaginais plus grand. Les larmes de Béatrice avaient momentanément plus de pouvoir sur moi que les rires de Lucille qui résonnaient comme des castagnettes. L’air triste, les yeux mélancoliques de Béatrice me touchaient plus, m’allaient plus au cœur que la mine enjouée de Lucille. Quand Béatrice s’approchait de moi, qu’elle me prenait la tête entre ses deux mains, qu’elle me disait à l’oreille des mots doux, qu’elle y épanchait son cœur, il me semblait qu’elle avait la peau plus veloutée, que ses joues, comme de plus beaux fruits, étaient plus juteuses et que les accents de sa voix