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les voies de l’amour

plus exactement ce premier incident tragi-comique de sa vie d’étudiant. Ce cher Louis Vincent, s’il avait été plus loquace, en aurait conté beaucoup, non plus de ses peurs, mais de ses querelles anciennes et de ses batailles. Il était de taille moyenne, sec et nerveux et toujours prêt à la risposte. Mais l’âge l’avait assagi et il aimait moins maintenant se vanter que de rappeler quelquefois ses déconvenues. Cependant il aimait quelquefois entendre les autres raconter ses escapades et ses hauts faits d’étudiant.

Pierre Vinet, son ancien compagnon de collège et son ami intime pendant sa cléricature, n’avait jamais perdu l’habitude et l’occasion de le taquiner chaque fois qu’il le rencontrait. Il crut saisir l’arrière-pensée de Louis Vincent et il ne se gêna pas de l’attaquer comme autrefois.

« Es-tu bien sûr, lui dit-il, de n’avoir plus peur des morts ? Je te savais fanfaron, mais j’ignorais jusqu’aujourd’hui que tu aies jamais été poltron. Excuse, mon vieux ; je te demande bien pardon, et si le mot te choque je suis prêt à le retirer. Entre nous, à notre âge, on peut se dire des vérités. Je n’aurais jamais osé, dans le bon vieux temps de notre jeunesse, te donner un tel qualificatif, car je craignais autant ta colère que je croyais à tes bravades. Oui, oui, tu étais brave et fort, et je te revois encore, comme si c’était hier, à la tête des étudiants