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les voies de l’amour

Quelquefois on veut se ressaisir, mais on ne le peut plus ; il est trop tard ; parfois la tolérance laisse supporter les ruines qui subsistent à la dévastation, mais il n’en est pas toujours ainsi. L’amour peut naître souvent de l’accoutumance, du contact continuel, mais en est-il plus durable, plus délicieux ? Lucille avait de beaux grands yeux noirs qui fascinaient comme ceux du serpent, une voix enchanteresse quand elle laissait parler son cœur, un teint de marbre comme celui de ces belles statues à qui l’artiste semble avoir donné la vie, une taille élégante quand elle n’était pas déformée par les trop grands apprêts de la toilette, cependant était-ce suffisant pour me la faire préférer à Andrée, qui n’était pas moins bien douée sous le rapport physique, mais qui l’emportait de beaucoup sous le rapport de l’intelligence et de l’éducation. Après avoir vécu depuis la plus tendre enfance auprès d’Andrée, je n’appréciais peut-être pas autant que je l’aurais dû toutes ses qualités que l’habitude de vivre ensemble me faisait ignorer. N’était-ce pas plutôt l’attrait de la nouveauté qui m’avait frappé et charmé à la vue de Lucille ? Pourrais-je aujourd’hui analyser ces idées, ces sentiments, ces sensations qui m’ont fait préférer Lucille à Andrée quand j’étais jeune et inexpérimenté ? J’ai beau chercher, je ne trouve pas d’autres réponses que celle-ci : L’amour est aveugle.